Vous m'avez présenté comme médecin national adjoint à la Mutualité sociale agricole (MSA) ; j'aimerais préciser que je suis essentiellement spécialisé sur l'aspect santé et sécurité au travail.
Il est très difficile pour la MSA d'avoir une vision claire des pathologies liées à la pollution de l'air. En effet, il existe un certain nombre d'éléments qui peuvent compliquer la mesure de l'impact sanitaire de la pollution de l'air : doit-on tenir compte des aspects aigus ou chroniques des pathologies ? Des pathologies d'organe ou systémiques ? De l'aggravation de pathologies existantes du fait de la pollution ? L'absence d'un référentiel commun et partagé sur les pathologies liées à la pollution de l'air pose donc un premier problème.
Par ailleurs, la MSA, comme les autres régimes de protection sociale, a des difficultés à analyser la part des dépenses de santé, liée à des facteurs environnementaux. La MSA a pour vocation première de percevoir des cotisations et d'assurer une redistribution sous forme de prestations. Les analyses qu'elle peut conduire sont des analyses internes portant sur la répartition des prestations ainsi que sur ses adhérents mais celles-ci n'ont pas la capacité de faire un lien entre les dépenses de santé et des facteurs environnementaux comme la pollution. Il est difficile pour nous de produire des analyses permettant de mettre en évidence des évolutions de la répartition de la dépense en fonction de tel ou tel facteur environnemental. Pour cela, il serait nécessaire, soit de mettre en place des outils complexes permettant de mesurer le lien entre, par exemple, les pics de pollution et les dépenses de santé, soit de conduire des études prospectives, de cohorte, comme peuvent le faire les agences sanitaires.
En outre, il existe une difficulté supplémentaire liée au fait que le suivi médical des travailleurs agricoles est très différent selon qu'il s'agisse de travailleurs salariés ou non-salariés. Nous connaissons essentiellement les populations salariées puisqu'un dispositif de suivi médical a été mis en place dès 1966. En revanche, pour les exploitants agricoles, nous n'avons qu'une vision très partielle de la sinistralité et de leur état de santé.
Ceci dit, la MSA, à travers ses propres actions ou dans le cadre de partenariats, s'intéresse à l'environnement professionnel de l'ensemble des travailleurs agricoles. Nous menons un certain nombre d'études portant sur l'environnement professionnel des travailleurs -certaines de ces études ont d'ailleurs mis en évidence la pollution des locaux professionnels par un certain nombre de particules, de gaz ou de vapeurs- ainsi que des études prospectives permettant de mesurer la prévalence augmentée de certaines pathologies liées à la pollution environnementale, et notamment la pollution de l'air, comme les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) ou les cancers pulmonaires. Ces derniers ont notamment été mis en évidence par l'enquête Agrican sur la santé en milieu agricole. Ces différentes études montrent qu'il existe des mesures d'adaptation et de prévention à développer dans le milieu professionnel agricole. D'autant plus que certaines pollutions sont étroitement liées à l'activité : il est difficile d'élever des animaux ou de faire des productions végétales sans générer un certain nombre de poussières ou d'émanations de gaz et de vapeurs, ou sans utiliser de produits chimiques qui polluent l'environnement professionnel. La MSA s'attache à développer une stratégie de prévention des risques professionnels pour limiter, le plus possible et de la façon la plus efficace possible, les effets adverses de ces pollutions.