Je voudrais tout d'abord indiquer le périmètre de notre propos : nous parlerons principalement de l'ozone, des particules, de l'ammoniac et des oxydes d'azote, soit différents composés qui sont réglementés en termes de surveillance et de plafonds d'émission. Nous parlerons moins de la volatilisation des produits phytosanitaires après épandage bien que nous travaillions également sur ce sujet -nous avons d'ailleurs observé que cette volatilisation est importante et peut atteindre 30 à 40 % des substances actives- car ils ne font habituellement pas partie de la pollution de l'air au sens réglementaire. Nous sommes également attachés, dans le cadre du plan Ecophyto, à toutes les mesures permettant de réduire l'emploi de ces substances et donc de limiter les phénomènes de pollution de l'air par ces composés.
Les composés impliqués dans la pollution de l'air et l'agriculture entretiennent des relations ambivalentes. L'agriculture est impactée par un certain nombre de ces polluants dont l'ozone. Une étude récente met en évidence des dommages annuels pour les cultures de blé atteignant 500 millions d'euros du fait de l'ozone. D'autres études nous renseignent sur les liens entre la pollution de l'air et le changement climatique. Les cultures sont parfois sensibles à d'autres contaminants, à proximité des villes ou des infrastructures de transport, comme les métaux lourds.
S'agissant des émissions issues de l'agriculture, la France est le premier pays européen pour ce qui est des émissions d'ammoniac. Selon les chiffres du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), en 2014, l'agriculture a contribué à ces émissions à hauteur de 97 %, du fait principalement de l'élevage. L'ammoniac est connu pour intervenir dans la formation de particules secondaires. Toujours selon le Citepa, l'agriculture contribuerait à hauteur de 9 % à 10 % à l'émission des particules de 2,5 ìg, bien que cette contribution soit plus élevée quand on prend en compte l'ensemble de la pollution particulaire. Si nous connaissons assez bien les mécanismes d'émission et de dépôt de l'ammoniac, ceux qui conduisent à l'émission de particules, et notamment des PM2,5, sont moins connus.
Nous avons contribué à des études menées au niveau européen sur les impacts de la pollution de l'air. Concernant l'azote, ces études ont montré que les dommages économiques seraient plus importants par les aspects pollution de l'air que pollution de l'eau.
Nous menons également des études sur l'ammoniac ou les composés organiques volatiles pouvant être émis par les végétaux. Plusieurs expérimentations, observations de longue durée et modélisations, sont menée dans les deux sites de Grignon et de Lusignan afin de mieux comprendre et mesurer ces émissions mais aussi les dépôts, c'est à dire la capacité des agrosystèmes à retenir un certain nombre de ces polluants atmosphériques.
Concernant la recherche de pratiques permettant de réduire ces émissions, nous menons des études sur la réduction des intrants et sur différentes formes de fertilisation, avec des tests d'inhibiteurs de nitrification. Nous avons contribué à une étude qui a permis d'identifier dix mesures pour réduire les émissions d'ammoniac. Il existe également des travaux sur la génétique des animaux d'élevage et les systèmes de nutrition permettant d'augmenter substantiellement l'efficience de l'utilisation de l'azote lors de la nutrition des animaux.
Les moyens mobilisés par l'Inra sur les aspects pollution de l'air correspondent à un montant d'environ 2,5 millions d'euros, avec 34 personnes permanentes, dont 17 chercheurs, dédiés à cette problématique. Depuis 1994, nous avons recruté ou reconverti huit chercheurs et il y a eu au moins six bourses de thèse dans ce domaine. Nous avons 435 000 euros par an de contrats dans ce domaine dont 40 % de financements européens, 20 % de financements de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et 15 % de l'Agence nationale de la recherche.
Nous avons également une contribution au développement d'analyseurs de polluants, de capteurs rapides pour l'ozone, d'analyseurs d'ammoniac, ainsi que d'outils avancés de recherche en matière de chromatographie ou de spectrométrie de masse. L'activité de l'Inra se traduit par une publication d'environ vingt articles scientifiques par an, ce qui représente environ un quart de la production française (en dix ans, 850 articles scientifiques ont été publiés en moyenne dont 200 par l'Inra). Nous contribuons à des expertises et notamment à l'évaluation de l'azote en Europe qui a permis un chiffrage économique des dommages associés à ce polluant, à des travaux sur l'ammoniac, les particules ou les pesticides. Nous avons également réalisé, à la demande des ministères, une expertise scientifique sur l'azote et l'élevage afin d'appréhender plus globalement les mesures qui pourraient être prises pour agir en la matière.
Nous collaborons avec un ensemble d'instituts, en particulier avec le Citepa, avec l'Anses, et nous participons à des groupes de travail nationaux et internationaux comme l'Unece, dans le cadre de la Convention de Genève sur le transport transfrontière de polluants atmosphériques.
Concernant la prise en compte, par les entreprises privées, de la question de la pollution de l'air dans l'élaboration et la commercialisation de leurs produits, je rappelle qu'il existe peu de réglementations en matière de pollution de l'air, hormis les plafonds d'émission nationaux qui ne sont pas ciblés sur une activité en particulier, même si l'agriculture est directement concernée. Les entreprises qui produisent des engrais ou qui les approvisionnent soutiennent les recherches sur la volatilisation de l'ammoniac et des pesticides.