Bonjour. Merci monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs de me permettre de me saisir de ce sujet, à l'évidence très important, qui doit nous mobiliser tous.
S'agissant d'abord de l'impact de la crise, le constat est largement partagé. La difficulté est celle des statistiques. Nous ne sommes pas suffisamment capables d'objectiver par des statistiques et des enquêtes précises l'impact de cette crise pour adapter au mieux nos actions et nos outils. En effet, nous ne disposons pas de suivi social des étudiants ou des doctorants, et percevons le désarroi d'étudiants dispersés aux quatre coins du pays. La précarité économique et sociale et la détresse psychologique des étudiants, qui touchent tous les milieux sociaux, sont appréhendées mais pas suffisamment mesurées. Nous disposons de quelques grands chiffres, notamment en matière d'insertion. Fin février, nous savions par exemple que nous manquions de 40?000 places d'apprentissage, dont la moitié en Ile-de-France, soit 10 % des apprentis. Nous avons absolument besoin de données sur le décrochage, la progression de la pauvreté, etc. On annonce une augmentation d'un million du nombre de personnes tombées sous le seuil de pauvreté en France, dont un certain nombre d'étudiants certainement. Pour éviter le catastrophisme et adapter au mieux notre action, nous devrons être en mesure d'objectiver ces éléments. Nous aurons également besoin de chiffres sur le taux d'insertion post-crise. Les régions, à l'occasion de la remise à plat de leur schéma régional de l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, travaillent également de concert avec les Crous, afin d'objectiver ces éléments.
En ce qui concerne la mobilisation, parmi les collectivités territoriales, les régions sont les premiers soutiens aux acteurs et aux écosystèmes de la recherche et de l'innovation. En 2019, nous consacrions plus d'un milliard d'euros à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, soit plus de trois quarts du montant global consacré par les collectivités. Une approche transverse est nécessaire pour apprécier l'effort des régions sur la vie étudiante. Cette intervention en faveur de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation touche aux transferts technologiques, à l'aide immobilière et à l'aide aux chercheurs, dont les bourses doctorales, le soutien à l'innovation et la recherche, ou encore la promotion de la culture scientifique, technique et industrielle4(*) (CSPI). Sur la période 2008-2019, cet effort a été en progression constante, de l'ordre de 34 %. Je rappelle la revendication portée par Régions de France depuis plusieurs années, et que nous avons eu l'occasion de réitérer dans des débats récents : les dépenses et financements en faveur du monde étudiant, des universités et de la recherche sont de réelles dépenses d'investissement, et doivent être considérées comme telles si nous revenions à des règles telles que celles des pactes de Cahors. Sur la question du soutien à la vie étudiante, au titre de l'effort d'un milliard d'euros que j'évoquais, les crédits liés à l'innovation représentent 645 millions d'euros. Les régions consacrent donc environ 400 millions d'euros par an aux opérations immobilières (54 %), à l'aide aux étudiants (30 %), à l'aide au fonctionnement (12 %) et à l'équipement des locaux (5 %).
En termes de cadre stratégique, notre intervention en faveur du monde étudiant et des universités est balisée par plusieurs schémas prévus par le législateur et la loi NOTRe, qui permettent aux régions d'exercer le rôle de chef de file en matière de développement économique, qui est plutôt de facto que de jure en matière de soutien à la recherche et à l'innovation. Ces schémas sont le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SDREII), le schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (SRESRI) ainsi que les stratégies de spécialisation. Depuis une dizaine d'années, à l'initiative de la Commission européenne, ces dernières ont permis aux régions de réfléchir à leurs atouts et aux secteurs et filières sur lesquels elles ont un véritable potentiel de développement de la recherche, de développement économique et d'emploi. En ce qui concerne les outils financiers, il s'agit des dispositifs de droit commun, des contrats de projet État-région (qui consacrent, à parité, un peu plus de 3 milliards d'euros au soutien à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation), ou encore du plan d'investissement dans les compétences (PIC), doté de 14 milliards d'euros et lancé dans le cadre du grand plan d'investissement. Celui-ci se décline en programmes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC). 52 % des crédits du PIC sont déclinés dans les programmes et seront articulés avec les crédits des plans régionaux de développement de l'information et de l'orientation professionnelle. Ce levier essentiel est aujourd'hui mobilisé par les régions pour intervenir en soutien des étudiants dans leur insertion professionnelle.
S'agissant des mesures d'urgence mises en oeuvre dans le contexte de la crise sanitaire, nous avons réalisé un dossier complet que nous pourrons vous transmettre. Ces mesures, qu'elles prennent la forme d'aides directes ou qu'elles soient mises en oeuvre de concert avec les universités et les Crous, couvrent toutes les thématiques qui ont déjà été évoquées : l'aide alimentaire, le soutien aux loyers, la santé, la fracture numérique, l'insertion professionnelle, les enjeux de mobilité ou encore la prolongation des contrats doctoraux, en concertation avec le ministère de la recherche. Par exemple, la région Bourgogne-France-Comté a porté à 500?000 euros le fonds d'urgence de soutien aux étudiants avec le Crous. Hors crise, la région consacre plus de 2 millions d'euros à l'aide aux établissements pour l'acquisition de matériel numérique, l'amélioration de la qualité de vie étudiante et le soutien aux initiatives étudiantes. La Bretagne a quant à elle mobilisé une enveloppe de plus d'un million d'euros, en complément du soutien annuel au Crous, pour soutenir les étudiants précaires à travers l'aide alimentaire, la santé mentale, le soutien à l'aide psychologique, etc. La région Ile-de-France a mis en place un dispositif de soutien psychologique, avec 40?000 consultations gratuites et la mobilisation de 150 psychologues. La région a également annoncé la garantie de 15?000 prêts étudiants d'ici le deuxième trimestre 2021. Le ministère de la recherche a en outre lancé un dispositif de soutien psychologique. Il y a en l'occurrence matière à travailler sur une meilleure coordination, lorsqu'il est pertinent de venir en appui de dispositifs antérieurs, tout en assurant la visibilité de l'action de l'ensemble des acteurs publics.
En termes de perspectives, la crise laissera des traces. Pour les étudiants, l'enjeu principal réside dans la poursuite des études et la réussite professionnelle. Il nous faudra également travailler sur l'amélioration significative de l'efficacité des offres sociales dans tous les aspects de la vie étudiante (accès au logement, santé, mobilités, formation, orientation, accès au droit, lutte contre l'isolement). Les Crous sont quant à eux des partenaires essentiels, qui ont consenti de véritables efforts pour s'adapter. Il nous semble néanmoins que les conclusions du rapport de 2015 de la Cour des Comptes sur la réorganisation des Crous pourraient inspirer un certain nombre de nos réflexions. La Cour évoquait deux pistes : la décentralisation et le transfert des Crous aux régions. Nous n'y sommes pas favorables. En revanche, la piste d'un rapprochement des Crous avec les établissements universitaires nous semble intéressante. L'intégration des oeuvres sociales universitaires dans les établissements universitaires, en maintenant le portage par un établissement public national ou les Crous d'un certain nombre d'actions difficilement portables par les universitaires, améliorerait l'efficacité des dispositifs existants en garantissant davantage de proximité et de réactivité, ainsi qu'une meilleure connaissance des publics. Il s'agirait en outre de clarifier le rôle des différents acteurs. La Cour des comptes soulignait en effet un enchevêtrement des compétences qui reste préjudiciable à l'efficacité de notre action collective. Enfin, sur la question de l'insertion professionnelle, il s'agit de favoriser l'accès aux stages, de travailler avec les universités sur les offres de formation initiale et d'accélérer « l'universitarisation » des formations paramédicales.
La rentrée universitaire 2021 sera un défi et devra être bien préparée.