Intervention de Cora Beck

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 15 avril 2021 à 11h00
« les enjeux du numérique pour l'enseignement supérieur » — Audition de Mm. Guy Mélançon vice-président en charge du numérique à l'université de bordeaux vice-président de vpnum association des vice-présidents en charge du numérique dans l'enseignement supérieur jean-christophe burie vice-président « campus numérique-système d'information » à l'université de la rochelle ollivier haemmerlé professeur à l'université de toulouse président de l'association « l'université numérique » mmes emmanuelle villiot-leclerq responsable du digital learning center de l'école de management de grenoble et cora beck directrice des pédagogies digitales et de l'innovation du pôle universitaire léonard de vinci

Cora Beck, directrice des pédagogies digitales et de l'innovation du Pôle universitaire Léonard de Vinci :

S'agissant de l'évolution des modes d'enseignement, je pense qu'aucun retour en arrière n'est possible. Nous avons franchi un cap, avec une montée en compétence considérable des enseignants et des étudiants. Si le retour en présentiel s'avère nécessaire pour tout ce qui a trait à la socialisation, au fonctionnement des associations et à la vie étudiante, certains contenus perdureront à distance, comme les cours magistraux ou les enseignements théoriques et dépourvus d'interactions. Ces derniers pourraient être transformés en module e-learning, en vue de libérer du temps de classe au profit d'activités plus qualitatives, d'échanges, de gestion de projet ou de cas pratiques. Nous nous orienterons donc certainement vers un enseignement multimodal et un maintien du cours hybride en comodal.

Nous avons interrogé nos étudiants sur leur souhait de revenir sur le campus. Une partie d'entre eux serait favorable à la persistance d'une partie de l'enseignement à distance, notamment les alternants, qui ont pris l'habitude de télétravailler pour leur entreprise et ont développé des compétences de gestion de projet et de collaboration en ligne. Ils ne perçoivent pas nécessairement l'intérêt de revenir en présentiel sur les campus.

Cette multimodalité prendra nécessairement le pas dans les années à venir, du fait de sa flexibilité, de sa capacité à s'adapter aux profils d'apprentissage et des réponses qu'elle apporte aux nouveaux besoins de l'apprenant d'aujourd'hui. Elle suppose néanmoins de repenser les syllabus, de granulariser les enseignements, de réduire la charge cognitive des séances en synchrone, de déporter les enseignements théoriques en modules e-learning et d'organiser en présentiel les enseignements pratiques. L'objectif est de proposer des apprentissages adaptés et individualisés, fondés sur une approche par compétence et orientés sur le savoir-faire plutôt que sur le savoir, en cohérence avec les exigences du monde du travail. Nous avons néanmoins besoin, pour cela, d'une reconnaissance par l'ensemble des acteurs de la formation en ligne. Il serait ainsi nécessaire de repenser les normes d'accréditation et de reconnaissance des diplômes pour les cours en ligne ou multimodaux. Aujourd'hui, les accréditations sont fondées sur des heures de face à face, et 50 % des enseignements doivent être réalisés par des enseignants permanents. Or il est possible de digitaliser des contenus, soit en les concevant en interne, soit en louant des contenus sur des plateformes d'enseignement à distance.

S'agissant des étudiants en grande difficulté, il est indispensable d'adapter les modes d'enseignement et de leur permettre de choisir d'assister en présence ou à distance aux cours hybrides. Cet apprentissage à la carte, plus flexible, pourra s'adapter aux besoins de chacun, en libérant du temps pour continuer de se former ou travailler par ailleurs.

L'accompagnement pédagogique doit également être repensé. Nous avons mis en place, au niveau de la CVEC, des projets d'accompagnement pédagogique. Nous avons ainsi proposé des parcours gamifiés, individualisés et en ligne, avant les amphithéâtres de rentrée. Cette démarche a été très bien accueillie par les étudiants. Nous avons également mis en place de nouvelles modalités d'accompagnement pédagogique en ligne, en démultipliant les réunions individuelles synchrones avec les étudiants et en assurant l'accompagnement pédagogique et asynchrone sur des forums. Ces projets ont tous été pris en charge par la CVEC.

Le numérique peut en outre s'accompagner de fractures dans l'apprentissage et l'acquisition de savoirs, en raison de la localisation géographique ou du niveau d'équipement matériel. Nous pourrions imaginer l'instauration d'une gratuité de l'accès internet à haut débit pour tous les étudiants, ainsi que la mise à disposition de bons d'achat pour leur permettre de s'équiper de façon correcte.

L'enseignement à distance soulève également des enjeux de santé publique. Des mesures pourraient donc être imaginées en termes d'éducation aux écrans ou de sobriété numérique.

S'agissant des modalités d'évaluation, nous avons fait le choix de proposer les examens finaux de l'école de management en présentiel, sur des outils en ligne. En parallèle, les contrôles continus sont maintenus sur la plateforme. L'école d'ingénieur, pour sa part, organise des examens en présentiel sur papier. Une problématique se pose dès lors en termes de cybersécurité. Les DSI nous accompagnent dans le choix des outils que nous mettons en place.

En ce qui concerne les campus, nous considérons qu'ils ne seront pas supprimés. Ceux-ci constituent en effet un lieu de socialisation des différentes parties prenantes, qu'il s'agisse des enseignants, des étudiants, des entreprises ou des administratifs. Ces lieux structurent les interactions sociales et facilitent les échanges qui se poursuivent ensuite en virtuel. Nous verrons donc cohabiter des mondes virtuels et des campus physiques, avec des bâtiments de plus en plus connectés, ce qui pose la question du réseau et de l'accessibilité des connexions. L'enjeu est celui d'une réorganisation des locaux des campus, avec la disparition des grands hémicycles dédiés aux cours magistraux, au profit de petites salles modulables qui pourront se transformer en fonction de la modalité pédagogique mise en place, mais aussi de salles de créativité, de fab-lab ou encore de learning centers pour permettre aux étudiants en situation de fracture numérique d'étudier dans un environnement calme et bien équipé. Le campus pourrait également s'ouvrir davantage vers l'extérieur ; à titre d'exemple, l'École 42, à Paris, propose des expositions au sein de son campus.

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