Intervention de Hela Khamarou

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Table ronde — Associations de chômeurs et de salariés précaires

Hela Khamarou, représentante de Génération précaire :

Nous faisons partie du collectif Génération précaire qui s'est constitué en 2005 sur la base d'un appel lancé sur Internet pour défendre les stagiaires. Avec la situation de crise, nous voyons de plus en plus des gens qui cumulent des stages, des CDD ou des expériences d'intérim et qui se retrouvent face à Pôle emploi. Je parlerai ici des jeunes qui sont confrontés pour la première fois à Pôle emploi et qui n'ont souvent pas connu l'ANPE.

Je rappelle que Pôle emploi a des missions étendues en matière d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement des personnes à la recherche d'un emploi ou d'une formation, de versement des allocations, de prospection du marché du travail et de collecte des offres d'emploi.

Lorsque nous avons été invités à nous exprimer devant votre mission d'information, nous avons collecté les témoignages des membres de notre collectif. Nous avons d'abord relevé une inadéquation entre la formation des demandeurs d'emploi et l'interface informatique utilisée par Pôle emploi qui, pour certains d'entre nous, ne comportait pas, à sa création en décembre 2008, notre diplôme ou notre catégorie de recherche d'emploi. Cela a conduit à une prise en compte approximative, voire fantaisiste, suivant les cas, des demandes. Les conseillers nous disaient clairement que cela les conduirait à nous proposer des offres ne correspondant pas à notre profil.

Il est possible d'adresser des questions par mail, par l'intermédiaire du site internet de Pôle emploi, qui promet une réponse en vingt-quatre heures. En réalité, il faut souvent plusieurs jours, voire un mois pour avoir une réponse. Nos interlocuteurs nous invitent souvent à contacter un conseiller par téléphone, au motif que ce mode de contact est beaucoup plus simple. Il s'avère cependant que la plate-forme téléphonique ne dispose pas des compétences requises et ferme très tôt. Elle ne répond pas aux questions auxquelles nous sommes confrontés. Or un jeune qui entre sur le marché du travail a de nombreuses questions et reste souvent sans réponse.

Chaque conseiller doit suivre plus d'une centaine de demandeurs d'emploi. Les chiffres fournis font effectivement état de soixante à quatre-vingt dix demandeurs d'emploi par conseiller. Des documents officiels révélés par Le Canard enchaîné ont fait état de plus de trois cents demandeurs d'emploi par conseiller dans certains sites. Il en résulte l'annulation de rendez-vous, faute de temps, à tel point que certains demandeurs d'emploi attendent pendant des mois un rendez-vous. Ils sont informés par courrier ou par téléphone de l'annulation de leur rendez-vous. A titre d'exemple, j'attends un rendez-vous depuis plus de trois mois.

Dès lors qu'un conseiller propose une offre d'emploi à un demandeur, nous entendons souvent dire que l'offre ne correspond pas au profil du candidat. Un profil est établi lors de l'inscription du demandeur à Pôle emploi. Un salaire minimum est alors défini mais celui-ci est généralement bien supérieur à ce qui nous sera proposé par la suite. Une conseillère a par exemple fixé à 2 400 euros le salaire minimum d'une collègue de niveau Bac + 5. Lorsqu'un emploi lui a été proposé, il s'agissait d'une mission d'intérim de vingt jours rémunérée 1 200 euros. Si l'on définit un niveau de salaire minimum en fonction du niveau d'études, je pense que nous sommes en droit d'attendre que ce niveau de rémunération soit atteint.

Le manque de personnel est manifeste. Quelques mois après la fusion des Assedic et de l'ANPE, nous étions dans un contexte de hausse du chômage. Aussi a-t-il été décidé d'embaucher 1 840 personnes à Pôle emploi. Dix-neuf mois plus tard, la direction de Pôle emploi a annoncé la suppression de 1 800 postes. Au total, quarante nouveaux postes ont donc été créés, alors que le nombre de demandeurs d'emploi s'est accru de plusieurs centaines de milliers dans l'intervalle, ce qui n'a pu qu'aggraver les problèmes posés par le manque de personnel. On observe par ailleurs un manque de connaissances criant de la part du personnel, qui connaît mal les secteurs d'activité. En outre, nous sommes souvent ballottés d'une agence à une autre. Il est par exemple demandé à des journalistes ou à des intérimaires de s'orienter vers un bureau spécialisé et nous sommes transférés d'un conseiller à un autre. Dans certains cas, le conseiller nous suggérait de supprimer quelques diplômes sur un CV, qui était jugé surqualifié.

Des motifs d'étonnement nous ont également été rapportés concernant les contrôles effectués lorsqu'il faut s'actualiser chaque mois. Cette étape est souvent perçue de façon humiliante car nous sommes réellement à la recherche d'un emploi. Il s'agit d'un travail en soi mais nous devons prouver notre bonne volonté. En tant que jeunes et précaires, nous sommes considérés comme des parasites de la société, de la mauvaise herbe et des paresseux. Nous avons l'image du chômeur fraudeur. Nous sommes nécessairement mauvais. Le suivi mensuel obligatoire ou les stages de coaching ne servent pas à grand-chose, quand il y reste des places.

Cela nous humilie encore davantage et en tant que jeunes, nous refusons d'être la variable d'ajustement du marché du travail ou de l'insertion. Nous avons des compétences. Il n'est pas normal d'être confronté à tant de difficultés avant même d'avoir mis un pied sur le marché du travail.

Il existe un besoin de transparence, notamment face aux pratiques abusives de radiation. Il existe une politique du secret au sein de Pôle emploi, où les effectifs sont insuffisants. Les grèves au sein même de l'institution attestent de l'ambiance délétère qui y règne. Il existe aussi un besoin considérable de formation du personnel de Pôle emploi. Au moment de la création de Pôle emploi, il avait été décidé d'inviter chaque conseiller à une formation de trois à sept jours. Ce projet a très vite été abandonné. Nous nous retrouvons face à des conseillers très gentils mais on ne demande pas à un conseiller d'être gentil. Son rôle est de nous aider à trouver du travail. Un jeune à la recherche d'un emploi, a fortiori dans un contexte de crise, n'a aucune connaissance de ses droits, des aides qu'il peut demander, s'il a droit à des indemnités chômage ou au RSA, etc. Ce sont des questions que les jeunes se posent. La fusion Assedic-ANPE a créé de nombreuses perturbations. On peut citer notamment le cas des intermittents du spectacle, qui sont moins bien pris en compte dans le nouveau système. Il se pose le problème de l'actualisation mensuelle obligatoire. Aucune prestation réelle n'est proposée au titre des missions « officielles » de Pôle emploi de conseil, d'orientation et d'accompagnement. Je terminerai par la formule d'un jeune demandeur d'emploi qui nous a dit : « L'accompagnement, avant d'être efficace, il faudrait qu'il existe. » Je n'ai pas parlé des entreprises mais nous pourrions aussi évoquer cet aspect.

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