Puis la mission d'information a procédé à l'audition de M. André Gauron, conseiller-maître à la Cour des comptes.
Dans le souci d'apporter à la mission d'information des indications utiles à l'élaboration d'un état des lieux de la formation professionnelle, M. André Gauron a centré son propos liminaire sur quatre observations.
Afin, tout d'abord, de répondre à la question « Où va l'argent ? » de la formation professionnelle continue, il a rappelé que les dernières statistiques publiées en janvier 2007 sous l'égide du ministère en charge de l'emploi chiffraient à 24 milliards d'euros le total des dépenses de la nation en faveur de l'apprentissage et de la formation continue. Il a indiqué que 80 % de ce montant global finançaient la formation des deux catégories de population en situation de travail que constituent, d'une part les salariés du secteur privé ou public et, d'autre part, les jeunes en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, 20 % de la dépense étant affectés à un second pôle de personnes au chômage ou en phase d'insertion.
Progressant dans la répartition, il a précisé que les employeurs publics et privés finançaient 60 % de la formation de leurs salariés et 20 % de celle des jeunes sous contrat. Il a également noté que la dépense globale de 24 milliards d'euros correspondait à l'addition de 9 milliards de financements consentis par l'Etat et les collectivités territoriales et de 15 milliards qui se rattachent à l'obligation légale de contribution des entreprises à la formation professionnelle. Il a fait observer que, sa compétence consistant à réformer éventuellement le taux de cette obligation légale, l'Etat n'avait pas la maîtrise de l'utilisation de ces 15 milliards de dépenses.
Il a rappelé qu'au-delà d'un effectif de vingt salariés, la quasi-totalité des entreprises consentaient à un effort financier supérieur à leur obligation légale et que celui des grandes entreprises avoisinait même 4 % de leur masse salariale. Il a attribué la légère baisse de ce pourcentage depuis 1999 à une volonté de rationalisation des dépenses, et son maintien à un niveau élevé à la prise en compte par des entreprises de l'importance de la formation, ce qui incite désormais à considérer comme inopportune la remise en cause de l'obligation légale.
En second lieu, pour cerner « Qui sont les bénéficiaires », il a souligné qu'à travers les enquêtes se dégageait un constat récurrent et majeur : la formation va aux mieux formés. Il a expliqué cette situation par les difficultés pédagogiques que suscitent certains publics, en évoquant, par exemple, le cas de certains salariés ayant une grande ancienneté et n'ayant suivi aucun stage depuis leur formation initiale à un niveau brevet d'études du premier cycle (BEPC) et a ajouté que les phénomènes étaient comparables dans les secteurs public et privé. Il a souligné qu'en conséquence la formation continue prolongeait et amplifiait les inégalités de la formation initiale et que le « noyau dur » des populations de chômeurs ou ayant des difficultés de réinsertion cumulait les handicaps de formation. M. André Gauron a ainsi constaté que l'affirmation d'une priorité à accorder aux moins bien formés ne s'était jamais réellement traduite dans les faits.
S'agissant, en troisième lieu, de l'articulation entre formation continue et initiale, il a attiré l'attention de la mission sur un point « crucial » : la mission traditionnellement assignée à la formation professionnelle est d'adapter les compétences aux besoins des employeurs et non pas de suppléer aux insuffisances de la formation initiale, et ce principe est à la base de la logique de construction de l'appareil de formation continue. Par exception, il a noté que seules certaines entreprises s'interrogeaient sur la remise à niveau des salariés ne disposant pas du socle minimum des connaissances et oeuvraient dans ce sens.
Puis il s'est appuyé sur les statistiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montrant que le taux d'emploi est directement lié au niveau de formation, ce taux étant de 89 % pour les hommes et de 78 % pour les femmes pour les diplômés de l'enseignement supérieur, respectivement de 83 % et de 66 % au niveau baccalauréat, et de 73 % et de 49 % en dessous du niveau baccalauréat.
Il a alors souligné que le problème de la maîtrise de la langue était essentiel et trop souvent sous-estimé, en rappelant qu'aujourd'hui la capacité de lecture est plus que jamais une clef de l'accès aux compétences. A ce titre, il a évoqué les difficultés particulières des garçons : 13 % d'entre eux manifestent de « faibles capacité de lecture » lors des journées d'appel de préparation à la défense nationale (JAPD) contre 7,7 % des jeunes filles. Il a observé que les cursus scolaires confirmaient ce phénomène en rappelant qu'un garçon sur deux, soit 53 %, était orienté vers l'enseignement professionnel, contre 37 % des filles. Il a également constaté le décalage entre l'objectif d'amener « 80 % d'une génération au baccalauréat » et les réalités statistiques : 41 % de filles et 28 % de garçons accèdent au baccalauréat dans les filières générales : par conséquent les problèmes d'insertion ont tendance à se concentrer sur une population masculine.