Intervention de Bruno Bonnemain

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 21 mars 2023 à 9h05
Audition de M. Bruno Bonnemain président de l'académie nationale de pharmacie Mme Carine Wolf-thal présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens M. Pierre-Olivier Variot président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine M. Philippe Besset président de la fédération des pharmaciens de france et docteurs philippe meunier président du syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires snphpu et élise remy membre du conseil d'administration du syndicat national des pharmaciens des hôpitaux synprefh

Bruno Bonnemain, président de l'Académie nationale de pharmacie :

L'Académie nationale de pharmacie est placée, comme l'Académie de médecine, sous la protection du Président de la République et compte environ 500 membres.

La pénurie de médicaments est un sujet que nous suivons depuis 2011. Nous avons rédigé un rapport en 2018, publié juste avant celui du Sénat, et nous avons publié la semaine dernière un Livre blanc sur le sujet, qui vous a été transmis.

Les causes des pénuries sont bien connues : l'augmentation de la demande mondiale - de 5 % à 10 % par an - ; la baisse excessive des prix de certains produits ; la délocalisation, conséquence du point précédent et de problèmes environnementaux ; les appels d'offres hospitaliers et le manque d'une politique de long terme sur le médicament propre à constituer un guide pour tous les acteurs. Nous avons une gestion à court terme de la pénurie.

Notre première recommandation est de lister les médicaments indispensables ; le Gouvernement y travaille d'ailleurs activement. Le rapport de l'Igas et du CGE sur les ruptures d'approvisionnement a proposé une méthode pertinente pour identifier 100 à 200 molécules à suivre de près. Avec une liste restreinte, on pourra appliquer plus précisément les mesures législatives, réglementaires et économiques.

Notre deuxième recommandation est d'analyser les enjeux économiques sur les produits indispensables. En dessous d'un certain prix, on voit apparaître des ruptures ; il faut prendre en compte cet aspect et examiner les problèmes économiques. Toutefois, les problèmes économiques, ce n'est pas que le prix, ce sont aussi l'investissement et les taxes ; je pense en particulier à la clause de sauvegarde inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale, qui pénalise aussi les produits anciens.

Il faut également revoir la gouvernance, afin d'instaurer une véritable coordination entre tous les ministères. Aujourd'hui, la direction générale des entreprises (DGE) s'occupe des matières premières et la DGS des produits finis ; ce n'est pas adapté. Il faudrait une coordination interministérielle rattachée au Premier ministre. De même, il faut une coordination à l'échelon européen. L'Union européenne a beaucoup évolué sur cette question depuis deux ans, notamment l'EMA - l'Agence européenne des médicaments -, mais il manque une coordination avec la France.

Par ailleurs, les « méga-appels d'offres » hospitaliers conduisent à ne retenir qu'un seul fournisseur, ce qui met l'approvisionnement en risque. Beaucoup de pays ont changé de méthode en retenant plusieurs fournisseurs pour un produit. Il faut en outre tenir compte des productions françaises et européennes, favoriser les circuits courts, ce qui ne fait pas partie des critères des appels d'offres. On peut également s'intéresser aux dates de péremption ; la Food and Drug Administration (FDA) américaine a proposé de repousser cette date pour certains médicaments. Il convient enfin de diminuer les livraisons en urgence, qui désorganisent l'industrie.

Enfin, je veux évoquer les outre-mer, où la situation est encore pire : ces territoires souffrent de la distance par rapport à la métropole. À Mayotte, où il faut 120 à 180 jours pour disposer des produits, la situation devient critique : elle est liée au transport maritime, mais surtout aérien, car les médicaments ne sont pas considérés comme prioritaires.

On peut envisager quelques mesures complémentaires : allonger les péremptions des produits finis, renoncer aux notices papier, inutiles dans les hôpitaux, éviter les particularités locales de conditionnement, chaque pays ayant ses règles - pour les produits indispensables, il faudrait un conditionnement européen -, et élargir l'objectif de la sérialisation, pour suivre les stocks à l'échelon européen.

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