Je souscris à tous les propos de M. Bonnemain.
Je représente l'ordre des pharmaciens, donc l'ensemble des métiers de la pharmacie : industriels, grossistes-répartiteurs, officinaux et hospitaliers, ainsi que la biologie médicale. Ma contribution est préparée par l'ensemble des métiers de la chaîne. Le vice-président qui m'accompagne est ancien président d'un grossiste-répartiteur, donc il pourra répondre à vos questions sur ce secteur.
Le sujet des pénuries empoisonne les Français. Il faut trouver des solutions, car la situation est source d'angoisse et de rupture d'égalité, donc de pertes de chances.
Aujourd'hui, les pharmaciens dispensateurs gèrent les ruptures, font au mieux pour compenser ou substituer, mais ils n'ont pas de plan pour empêcher les ruptures à la source. Je ne retrace pas toutes les causes qu'a exposées M. Bonnemain, mais il faut les analyser et mieux gérer les pénuries.
Le traitement des causes ne peut passer que par une stratégie européenne, voire mondiale. L'économie du médicament est mondialisée ; adopter des solutions « franco-françaises » sans tenir compte du contexte international ne servirait à rien ; cela ne ferait qu'imposer aux acteurs français des contraintes n'existant pas ailleurs. Il faut prendre en compte le contexte mondial pour agir à la source et empêcher les pénuries.
En revanche, à l'échelon national, on peut améliorer la gestion des pénuries et limiter leurs effets pour les patients. Nous le faisons collectivement depuis des années ; vous avez cité le DP-Ruptures, qui permet un meilleur échange d'informations, mais on peut aller plus loin dans le partage d'informations, à tous les maillons de la chaîne.
D'abord, la transmission d'informations est essentielle entre l'industriel, le grossiste et l'officinal pour connaître l'état des ruptures. La liste des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) existe, mais n'est pas connue des dispensateurs ; il serait utile qu'elle le soit. Les dispensateurs doivent en outre mieux connaître les contraintes qui pèsent sur les industriels et les grossistes-répartiteurs.
Certains monopoles entraînent en outre des pénuries. Lorsqu'il n'existe qu'une seule molécule, fournie par un fabricant pour toute la France, et que ce médicament est en rupture, cela crée des difficultés. Il faut éviter les situations monopolistiques. On pourrait également imaginer de renforcer le caractère obligatoire du DP-Ruptures, car rien n'oblige les industriels à s'y abonner et à déclarer leurs ruptures aux dispensateurs.
Pour les distributeurs et les exploitants, la communication sur toute la chaîne est à améliorer. Je vous proposerai par écrit des solutions très concrètes dans ce domaine.
Par ailleurs, certaines solutions sont négligées, comme la possibilité de faire des préparations spéciales, à l'hôpital et en officine. On a permis récemment aux officinaux de préparer l'amoxicilline, mais il faut aller plus loin et plus vite, ouvrir cette solution rapidement, dans les jours ou les semaines suivant l'apparition de la rupture. Actuellement, l'autorisation est accordée trop tard : il faut des semaines, voire des mois pour pouvoir substituer une préparation à un médicament. Aujourd'hui, c'est très compliqué réglementairement, alors que pour un pharmacien, c'est très simple à faire.
Je souscris aux propos tenus sur l'outre-mer ; c'est valable dans tous les territoires. Le fret de médicaments doit pouvoir être une priorité.
Sur l'Europe, les choses vont dans le bon sens, avec le plan de prévention des pénuries. La feuille de route de la DGS s'inscrit dans ces travaux.
Pour lutter contre la cause des pénuries, il faut une stratégie internationale. Pour gérer les pénuries, il faut améliorer la communication tout au long de la chaîne et aider les dispensateurs à gérer la rupture.