Intervention de Pierre-Olivier Variot

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 21 mars 2023 à 9h05
Audition de M. Bruno Bonnemain président de l'académie nationale de pharmacie Mme Carine Wolf-thal présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens M. Pierre-Olivier Variot président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine M. Philippe Besset président de la fédération des pharmaciens de france et docteurs philippe meunier président du syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires snphpu et élise remy membre du conseil d'administration du syndicat national des pharmaciens des hôpitaux synprefh

Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine :

Les ruptures ne concernent pas que les molécules généralement citées - amoxicilline, paracétamol ou corticoïdes -, elles concernent beaucoup de molécules. On compte près de 4 000 médicaments en rupture et cela touche aussi des anticancéreux, des antalgiques, des antihypertenseurs, etc.

Je veux insister sur les conséquences de ces pénuries. En pharmacie, on passe six à douze heures par semaine à chercher des molécules. À l'échelon européen, ce temps est estimé à sept heures, ce qui montre que les ruptures sont plus importantes en France. Les conséquences pour les patients sont l'inquiétude, le stress, la colère, des pertes de chances, l'incompréhension, voire la non-observance du traitement pour étaler la consommation de leur médicament sur une durée plus longue.

Les causes des pénuries sont multiples. Elles ont été parfaitement décrites par M. Bonnemain, je n'y reviens donc pas.

Les exportations parallèles - la possibilité pour certains industriels d'exporter en Europe des médicaments destinés au marché français - appauvrissent nos stocks.

Les industriels ont parfois tendance à vendre, dans le cadre de politiques commerciales douteuses, leurs produits directement aux officines, sans passer par les grossistes, au travers d'un circuit plus long et plus complexe pour le pharmacien, alors que le grossiste est plus proche.

Je veux à mon tour insister sur le problème des appels d'offres. Vous avez écarté ce risque dans le dernier PLFSS, c'était très bien. Tous les pays qui ont utilisé ce système d'approvisionnement ont connu des ruptures. Dans certains pays, on doit passer des appels d'offres tous les quinze jours, c'est ingérable.

Quelles solutions envisager pour mettre fin aux ruptures ? Il faut impérativement avoir plus de transparence sur toute la chaîne du médicament. Il faut pouvoir justifier toute rupture à tout moment. Cet hiver, quand il y a eu des ruptures, le discours était opaque, on ne comprenait pas ce qu'il se passait. La transparence permet de comprendre la rupture et de l'éviter à l'avenir. On nous disait chaque fois que les molécules étaient produites et envoyées, mais on ne savait pas où elles étaient ; on savait seulement qu'elles n'étaient pas à l'officine ni chez nos patients. C'était anxiogène : les mères qui avaient une prescription pour un traitement antibiotique, du Doliprane, un antitussif et de la cortisone repartaient les mains vides... Cette opacité entraîne une perte de confiance sur toute la chaîne. Il faut la restaurer et cela passe par la transparence. On a commencé à le faire avec l'ANSM et cela a permis de débloquer peu à peu les situations.

Il faut renforcer le DP-Ruptures, formidable outil mis à disposition par l'ordre, en l'étendant aux industriels et aux grossistes, afin d'identifier le lieu de la rupture.

Les industriels doivent anticiper les besoins. Ils nous expliquent que l'épidémie de cet hiver a été forte. Certes, mais c'était prévisible : nous étions confinés ces deux dernières années ! Et nous retrouvons cette année peu ou prou les chiffres d'il y a trois ans...

Nous demandons également de renforcer le bon usage des médicaments. On a la possibilité de faire des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) afin d'empêcher les mésusages, notamment des antibiotiques. Il y a, par exemple, des Trod d'angine, qui ne sont pas assez déployés. Aux Pays-Bas, l'emploi des Trod a permis de diminuer de 40 % la consommation d'antibiotiques. En période de pénurie, c'est intéressant.

À plus long terme, il conviendra de réindustrialiser la France, y compris dans l'industrie de médicaments, car, plus le circuit est court, plus il est facile de s'approvisionner.

En cas de pénurie, il faudrait pouvoir fermer certains canaux, notamment la dispensation sur internet, qui ne permet pas de gérer les volumes, et réserver les circuits aux grossistes.

Il faut promouvoir les préparations magistrales, cela a été dit. D'ailleurs, le terme ne convient pas, car les préparations magistrales sont destinées à un patient. Il faudrait pouvoir proposer une préparation déjà prête. Pour cela, il nous faut une base réglementaire autorisant à avoir la préparation en avance à l'officine. Il nous faudrait également un tableau d'équivalence permettant de remplacer telle molécule en rupture par une autre, en prévenant le médecin, mais sans son accord, puisque le tableau existerait a priori. Cela permettrait en outre d'économiser du temps médical.

Enfin, quand on doit reconstituer les stocks, il faut commencer prioritairement par les officines, puis les reconstituer chez les grossistes et en dernier lieu chez les industriels, et non l'inverse, comme on l'a fait cet hiver.

On ne doit pas s'habituer à vivre avec les ruptures. Nous devons en sortir.

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