Intervention de Philippe Besset

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 21 mars 2023 à 9h05
Audition de M. Bruno Bonnemain président de l'académie nationale de pharmacie Mme Carine Wolf-thal présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens M. Pierre-Olivier Variot président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine M. Philippe Besset président de la fédération des pharmaciens de france et docteurs philippe meunier président du syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires snphpu et élise remy membre du conseil d'administration du syndicat national des pharmaciens des hôpitaux synprefh

Philippe Besset, président de la Fédération des pharmaciens de France :

Beaucoup de choses ont déjà été dites.

Le principal, c'est la transparence de l'information. Il faut avoir une vision claire et prospective du besoin en médicaments, notamment sur les 200 molécules essentielles qui seront listées par le ministère de la santé. En effet, sans connaître le besoin, on a du mal à agir et à trouver les bonnes politiques pour prévenir les ruptures.

Je souhaite fournir quelques données chiffrées. Cette année, les ruptures ont concerné les enfants, ce qui a ému la population. Pourtant, on a consommé beaucoup de médicaments pédiatriques. On a consommé plus de 11 millions de boîtes d'amoxicilline pédiatrique, contre 9 millions au cours d'une année normale, comme 2019, et 33 millions de boîtes de Doliprane pédiatrique, contre 26 millions l'année dernière.

Pour que vous compreniez bien le problème, je prendrai l'exemple de la vaccination antigrippale. Nous avons potentiellement, chaque année, 30 millions de personnes à vacciner contre la grippe. Chaque année, nous devons nous demander, au mois de mars ou avril, combien de vaccins nous devons commander, et nous en commandons à peu près 17 millions. En réalité, on vaccine un peu plus de la moitié de la population cible, à savoir 15 millions de personnes. Il y a trois ans, nous avons vacciné près de 18 millions de personnes. Nous étions en rupture, parce que nous avions commandé, comme chaque année, 17 millions de doses. Il a fallu qu'on aille chercher les doses manquantes en Allemagne et dans d'autres pays. Tout se base sur les prévisions.

Il en va de même pour tous les médicaments. On doit savoir de combien de médicaments on a besoin par classe. Il y a deux solutions au niveau industriel. La première consiste en l'existence d'un stock de sécurité, qu'il faut gérer en bon père de famille, pour qu'il ne soit pas détruit. Or, depuis deux ans, on détruit des vaccins antigrippe : on en a commandé plus à la suite de cette année de pénurie. C'est donc un gaspillage. La seconde solution est l'agilité dans la production : il s'agit de pouvoir agir de façon très rapide quand on constate une rupture afin de pouvoir remettre les médicaments à disposition. Bien évidemment, cette agilité est meilleure si la fabrication se fait sur le sol national ou européen. Imaginons que la production soit à l'échelle globale : il serait impossible de demander du jour au lendemain à nos amis chinois ou indiens de s'occuper prioritairement de notre marché !

Je suis tout à fait d'accord avec Mme Wolf-Thal : ce que nous faisons, nous, pharmaciens, c'est de la gestion - de la gestion de crise, de pénurie. Nous avons besoin, pour gérer au mieux, de l'information. Sur ce plan, les pouvoirs publics nous doivent une information meilleure que celle dont nous disposons aujourd'hui - nous y travaillons actuellement. Nous devons savoir si le produit va revenir dans trois jours, dans une semaine, dans un mois ou dans un an. En effet, on n'agit pas de la même façon avec les patients qui sont en face de nous suivant l'information dont on dispose. Si l'on sait que le produit va être disponible dans trois jours, on dira à la personne d'attendre. Sinon, on travaille autrement...

Il a été question du bon usage. Il faut renforcer la pertinence de la prescription ainsi que la potentielle vérification de l'adéquation de la prescription par le pharmacien. Les dispositifs comme les Trod permettent de s'assurer que le médicament est pris à bon escient, donc d'en limiter, par le bon usage, la consommation.

Enfin, dans le cadre du Plan blanc qui est actuellement à l'étude au ministère de la santé pour lutter contre les ruptures, il faut accorder aux pharmaciens le droit de substitution sur une liste préétablie par l'ANSM. Celui-ci se déclencherait avec la mise en oeuvre de ce Plan blanc. Par exemple, nous avons actuellement des difficultés avec les corticoïdes. Nous savons qu'il est tout à fait possible de substituer la prednisone par la prednisolone et inversement, et nous avons alternativement l'une et l'autre dans nos stocks en fonction des approvisionnements. Il serait assez simple de dire que ces produits sont substituables lorsque le Plan blanc pénurie est déclenché.

Je reprends les cinq points clés : l'information transparente du régulateur et, au plus près du terrain, du pharmacien - c'est la base - ; le stock de départ, pour pouvoir faire face dans les premiers jours ; l'agilité de la production ; le bon usage ; la gestion de crise, avec la substituabilité.

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