J'essaierai de ne pas répéter ce qui a déjà été dit. Nous souscrivons à de nombreux items qui ont été évoqués.
S'agissant du détournement des moyens pharmaceutiques, dans une équipe hospitalière, par exemple, on essaie de trouver des solutions dans la gestion de cette pénurie, qui n'est pas une crise - il faut, de fait, apprendre à vivre avec.
Par exemple, au centre hospitalier régional universitaire de Tours, où je travaille, un équivalent temps plein (ETP) de pharmacien cherche, tous les jours, des solutions de gestion pour faire face aux tensions d'approvisionnement et aux ruptures de stocks de médicaments et dispositifs médicaux.
Ce n'est pas l'objet de la réunion d'aujourd'hui, mais la question des dispositifs médicaux, en particulier pour les établissements de santé, est également particulièrement importante. Dans les deux cas, cela concerne un certain nombre de produits dits « matures », notamment de produits qui concernent la réanimation, l'anesthésie, les urgences. Il ne faut vraiment pas l'oublier. Il faudrait essayer de trouver une forme de cohérence dans la gestion des deux types de produits de santé.
L'obligation de constituer un stock de deux mois pour les fournisseurs pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur est-elle respectée ? Comment la contrôle-t-on ? Existe-t-il un bilan des sanctions prononcées contre les industriels ? Ces sanctions sont-elles effectives ?
On peut s'interroger sur l'opérationnalité de cette fameuse liste des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Au-delà peut-être de l'ANSM, je pense que cette liste doit être élaborée en collaboration ou avec les sociétés savantes, en fonction des indications - on en revient à la recherche d'alternatives -, et non pas forcément d'une classification chimique ou de leur dénomination commune internationale. La liste devrait, en effet, permettre de s'orienter vers des alternatives validées par les sociétés savantes. C'est d'ailleurs ce qu'elles ont fait en partie, avec la Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar) notamment, au moment du covid. Cette liste devrait sans doute intégrer les antidotes - ce n'est pas un détail. Dans l'hôpital pédiatrique où je travaille, nous rencontrons des difficultés pour certaines maladies métaboliques.
S'agissant des propositions complémentaires, il va falloir clarifier qui fait quoi. Il y a un comité de pilotage ministériel, des groupes de travail de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), de l'ANSM... Il faudra, un jour, simplifier un peu l'opérationnel et rendre plus lisibles les différents organes de proposition, de décision et de suivi. Il faudrait quelque chose de transversal, qui soit fonctionnel et moins technocratique.
La production de matières premières, de médicaments ne doit sans doute pas être gérée uniquement au niveau national, loin de là. Je pense qu'il faut accélérer la recherche de solutions au niveau européen. Cela commence à être fait.
Il faut donner les moyens à Santé publique France d'aider vraiment, quitte peut-être à créer un établissement pharmaceutique national pour la recherche de ressources et de solutions de fabrication et de production in situ, en Europe en particulier. On en revient à la cartographie, précédemment évoquée : où sont les médicaments ? Qui peut produire ? Qui peut faire ?
Je ne reviens pas sur l'interdisciplinarité et « l'interministérialité ».
Sur la déclaration des tensions d'approvisionnement, est-ce DP-ruptures qui doit être généralisé ? Il faudrait vraiment que l'on ait une plateforme unique de déclaration, avec une standardisation des messages. En effet, il faut avoir une information le plus en amont possible sur les tensions d'approvisionnement et leur qualité. De fait, on ne traite pas une rupture de quelques jours de la même manière qu'une longue tension à venir !
La sérialisation - c'est une proposition que nous avions faite - pourrait peut-être nous aider à cette transmission de l'information et de connaissance des stocks, avec peut-être une forme de régionalisation de cette cartographie. Tout cela nécessite des moyens informatiques. Or vous savez que, dans nos hôpitaux, nos logiciels sont un sujet, et personne ne se parle beaucoup ! Pardon de sortir ma casquette syndicale, mais je regrette que le Ségur du numérique n'ait pas abordé ce point.
En effet, il faut sans doute qu'il y ait une certaine transparence des coûts, notamment de la part de l'industrie. Mais cela veut dire aussi qu'il ne faut pas que l'innovation thérapeutique soit le seul financement de l'industrie, ce qui veut dire qu'il faudra, derrière, revoir un certain nombre de déterminations de prix.
Je ne reviens pas sur la nécessité d'arrêter les injonctions contradictoires. On en revient toujours à nos problèmes de non-transversalité, mais il est vrai que la préoccupation de faire des économies sur les produits de santé exprimée chaque année en loi de financement de la sécurité sociale entre en contradiction avec la nécessité de répondre aux besoins croissants de la population en termes de santé publique. C'est un serpent qui se mord la queue.
Il faut sans doute arrêter les baisses de prix par classe thérapeutique. Faut-il sortir les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur de la clause de sauvegarde, qui consiste dans le versement d'une contribution à l'assurance maladie par les laboratoires lorsque leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France croît trop rapidement ? On peut, en effet, se poser la question.
La massification à outrance des achats n'aide sans doute pas à trouver des solutions ; on atteint les limites. La situation est peut-être encore pire pour les dispositifs médicaux. Ne faut-il pas se poser la question d'une régionalisation des achats pour les établissements de santé ? Cela permettrait peut-être aussi d'avoir une cohérence sur un territoire.
Pardon de finir sur une note un peu iconoclaste, mais pourquoi ne pas fixer un prix national des médicaments hospitaliers, comme pour les médicaments dispensés en ville ?
Faut-il se poser la question de l'allongement des brevets ? Je ne sais pas si c'est possible.