Intervention de Chems-Eddine Hafiz

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 30 mars 2016 à 14h00
Audition de M. Chems-Eddine Hafiz représentant de la grande mosquée de paris

Chems-Eddine Hafiz :

Il n'existe pas une communauté musulmane en France mais une communauté de foi. On refuse tout communautarisme, d'où notre refus de participer à des instances purement musulmanes. Certains hommes politiques ont tenté de créer des instances musulmanes sur le modèle du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Ces tentatives avaient souvent des visées électorales. Nous nous y sommes toujours refusés. Si quelqu'un veut s'engager dans la politique, il peut le faire en tant que citoyen français, non en tant que musulman. Parler de communauté musulmane en tant que communauté de foi ne pose pas de difficulté, le Conseil français du culte musulman a d'ailleurs pour mission d'organiser les rites religieux de l'Islam.

Pour répondre à Mme Keller, je suis incapable de vous indiquer le nombre total de lieux de culte musulman ; certains d'entre eux sont situés dans des lieux privés, sous forme d'associations qui ne se reconnaissent pas dans le Conseil français du culte musulman.

Je suis pour un Islam de France, mais ce que j'entends par là, c'est simplement un Islam dont les imams seraient formés en France. Pour le reste, à l'instar des autres religions monothéistes, l'Islam est universel, c'est une religion qui ne connaît pas de frontière. Aujourd'hui, nous vivons une situation difficile. Un amalgame est opéré entre musulman et Daech ; j'ai été moi-même traité de Daech... Être musulman en France est compliqué et le deviendra encore plus à l'avenir. Il nous faut un « plan Marshall » pour remédier à cette situation. On ne peut pas accepter une formation d'imams à l'étranger. L'Algérie a besoin d'imams alors même que 125 d'entre eux partent en France après avoir terminé leur formation religieuse.

La formation des imams est capitale si on veut prévenir les dérives, comme celles qu'on peut craindre avec certains aumôniers des prisons. Pour la Grande Mosquée de Paris, c'est en France que doit être organisée la formation de nos imams. Le Président de l'Université de Paris qui, à la différence de l'UOIF, se tient loin des idéologies et pratique un Islam malékite, était d'ailleurs intéressé pour contracter avec la Grande Mosquée de Paris sur cette question, mais les syndicats s'y sont opposés au nom de la laïcité.

Le Conseil français du culte musulman existe et nous devons le préserver. Il représente l'ensemble des associations du culte musulman, y compris celles reconnues par des pays étrangers, car c'est une réalité héritée de l'histoire. Nous organisons chaque année le pèlerinage de 25 000 fidèles à La Mecque qui se passe dans d'excellentes conditions, bien mieux que pour les fidèles musulmans d'autres pays.

Doit-on créer une hiérarchie au sein de l'Islam sunnite sur le modèle du gallicanisme ? Je ne le crois pas. En revanche, il faut conserver une spécificité du culte musulman en créant un institut théologique rattaché au Conseil français du culte musulman. Un tel institut permettrait de répondre aux questions que se posent de nombreux musulmans, et de prévenir certaines revendications excessives, pour répondre par exemple à ceux qui critiquent l'organisation d'examens universitaires pendant le ramadan ou refusent que des femmes soient auscultées dans les hôpitaux par des médecins hommes.

Le CFCM est une association dont le siège est loué par la mairie de Paris, pour un euro symbolique, dans le 15ème arrondissement. C'est un beau local qui convient à nos activités. Mis à part cela, nous n'avons aucune ressource.

Je voudrais parler de la fondation pour les oeuvres de l'Islam de France. Devons-nous avoir une vraie fondation, pour permettre à la fois la construction et l'entretien des mosquées, mais surtout le financement de la formation des imams et des aumôniers ? La formation des ministres du culte est le coeur du problème. Il faut savoir quelle formation l'on donne à ces derniers, car aujourd'hui, même au sein du CFCM, le message de l'Islam est parfois dévié.

Quand un homme politique veut obliger les prêches en français, je me demande de quoi il se mêle ! Cela exacerbe les tensions et donne l'impression que l'on ne peut pas être à la fois français et musulman. Pourrait-on dire au culte catholique qu'il devrait parler dans telle ou telle langue ? Nous constatons dans les partis politiques l'absence de personnel se revendiquant musulman.

Au départ, la Fédération de la Grande Mosquée de Paris procède de la mosquée située dans le 5ème arrondissement de Paris. Comme on lui a octroyé la représentation de l'Islam algérien, elle compte aujourd'hui environ 260 lieux de culte qui se reconnaissent sous son obédience. Certains imams sont recrutés localement, et les 125 imams envoyés par l'Algérie sont répartis sur le territoire. Il y a une vraie crise pour le recrutement des imams aujourd'hui.

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