Je vous remercie de m'avoir invité. Que ce soit ici ou dans l'instance de dialogue initiée par le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, ces moments d'échange entre les élus de la Nation et les divers représentants du deuxième culte en France et du premier culte dans le monde sont précieux.
Un peu d'histoire sur la rencontre de l'Islam et de la République. L'Islam, dans un premier temps, a été la religion des colonisés et des administrés dans le continent africain et dans les DOM-TOM. Dans un deuxième temps, elle a été la religion des harkis. Ensuite elle a été la religion des immigrés, dernière étape du statut de religion de l'étranger. Depuis les années 2000, elle est devenue tout simplement la religion des concitoyens français - petits-enfants immigrés et convertis.
Une reconnaissance de cette religion est apparue dans la sphère sociale et, sous l'impulsion de différents responsables politiques, une instance de représentation du culte musulman a été créée : le CFCM. L'Islam a alors définitivement acquis le statut de religion permanente. Je tiens à remercier tous nos aïeux, tous nos représentants et les élus des efforts réciproques effectués pendant cette transition de reconnaissance officielle. Aujourd'hui, malheureusement, certains mauvais penseurs veulent transformer cette religion de paix en une religion de terreur et sont encouragés par des chroniqueurs et par une minorité d'élus. Nous devons être justes vis à vis de nos compatriotes et respecter leurs croyances.
Les musulmans français et européen doivent participer activement à tous les défis de la Nation et prendre part à la construction de notre avenir commun car nos destins sont liés.
Pour en venir à l'objet même de votre commission, l'État doit être un facilitateur et un accélérateur dans la mise en pratique des circulaires et des lois et surtout ne pas s'ingérer dans la vie spirituelle de ces citoyens. Aujourd'hui, les associations culturelles, les scouts musulmans, les associations gestionnaires des lieux de culte, les aumôneries, les établissements scolaires, les associations des consommateurs des musulmans, les associations défendant les droits des musulmans, les fédérations et enfin le CFCM contribuent tous à l'organisation du culte musulman dans notre pays. Je veux rendre hommage au travail de tous ces bénévoles.
Le CCMTF compte plus de 270 associations membres. Nos 270 lieux de cultes sont tous gérés par des bénévoles et le DITIB (Union pour les affaires religieuses) met à la disposition de ces associations 151 imams. Nous sommes en déficit de 120 postes et, malheureusement, nous sommes bloqués par un quota. Le fonctionnement des associations et la gestion des lieux de cultes ne sont pas financés par l'étranger. Les membres des associations cotisent tous dans leur association et ils contribuent à leur bon fonctionnement. L'entraide et la générosité sont les seules sources de financements connues dans nos lieux de cultes.
Actuellement, plus d'une centaine de jeunes française et français participent au programme de formation théologique dans les différentes universités en Turquie en partenariat avec la direction des affaires religieuses de la République de Turquie. À Strasbourg, nous voulons ouvrir une faculté de théologie pour former nos futurs représentants, cadres et imams. Nous avons également de nombreux projets d'ouverture de collège et de lycée pour répondre aux attentes de la jeunesse française.
Pour que l'Islam ne soit plus la religion de l'étranger et surtout pas une religion de passage, nous devons vivre notre vie paisiblement en France, de la naissance à la mort. Nous devons pouvoir enterrer nos aïeux en France tous en respectant leurs convictions et pouvoir accueillir nos ainées dans des maisons de retraite compatibles avec leur croyance.
Depuis une bonne dizaine d'années, la plupart de nos fidèles pratiquent le sacrifice lors de l'aïd par procuration dans les pays n'ayant pas accès régulièrement à la viande. Pour la pratique du pèlerinage, nos concitoyens profitent de l'expérience de notre association et de son savoir-faire. La communauté franco-turque passe très peu par des agences de voyage.
Désormais, il est nécessaire de se doter des moyens pour que la France ne soit pas privée de cette religion de paix : c'est maintenant ou jamais. Les Français ont besoin de messages et surtout d'actes forts comme au début du XXème siècle avec le projet de la grande mosquée de Paris. Cela ne posa aucun problème à l'un des grands parlementaires de la IIIème République : voici ce que disait Édouard Herriot en 1920 lors du débat sur son financement : « Il n'y a aucun inconvénient à donner aux musulmans une mosquée, puisque très légitimement nous donnons aux catholiques des églises, aux protestants des temples et aux israélites des synagogues ». La première pierre de la mosquée de Paris fut posée le 19 octobre 1922. Le Maréchal Lyautey, qui inaugura les travaux, s'exprimait ainsi : « Quand s'érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l'Ile-de-France qu'une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses ». Enfin, le Préfet de la Seine prit la parole : « Les Musulmans sentiront que la France et Paris les accueillent non comme des étrangers, mais comme des frères ».
Le musulman est fidèle à son pays, la France, et respectueux de ses valeurs républicaines : le musulman est fier d'être français et européen, on ne le dit pas assez.