Tout d'abord, les profils d'étudiants en alternance sont très divers. Notons que peu d'étudiants « infra-bac » sont en alternance ou en apprentissage et que peu d'élèves sortants de troisième se dirigent vers l'apprentissage. Un recul a eu lieu depuis la suppression du brevet d'études professionnelles (BEP).
Néanmoins, depuis quelques années, les formations de l'enseignement supérieur comptent de plus en plus d'apprentis. Cette augmentation est encore plus forte depuis la réforme de fin septembre 2018.
Par ailleurs, tous les types d'établissements, privés comme publics, sont concernés par l'apprentissage. En raison du fonctionnement de l'apprentissage avant la réforme, certains centres de formation d'apprentis (CFA) sont dépourvus de classes ; ils servent de structures administratives et délèguent l'intégralité de leurs cours à d'autres établissements de formation. Ils sont nombreux dans l'enseignement supérieur.
La crise sanitaire a impacté assez fortement les apprentis puisque ces derniers cumulent malheureusement les problématiques des jeunes travailleurs et celles des étudiants. Les apprentis ont été confrontés à ces problématiques du jour au lendemain. Nous avons rencontré des cas très difficiles à gérer. Il y a eu une multitude de situations en fonction de l'activité de l'entreprise et du centre de formation et les apprentis se sont souvent sentis perdus. Parfois, les jeunes ne recevaient pas de nouvelles de leur entreprise, celle-ci ayant fermé. D'autres fois, ils étaient sans nouvelles du CFA, qui tardait à s'organiser. Nous avons reçu cinq fois plus de sollicitations pendant le premier confinement car les apprentis ne savaient pas à qui s'adresser.
Toutefois, selon les derniers chiffres dont nous avons connaissance, les ruptures de contrats n'ont pas été plus nombreuses durant cette période qu'habituellement (elles s'élèvent en temps normal à 28 %, ce qui est assez élevé).
La situation a été plus souple lors des confinements suivants. La plupart des apprentis ont pu suivre leur formation - ou au moins les aspects pratiques, extrêmement importants pour l'obtention de leur diplôme - dans leur centre de formation. La plupart ont aussi pu retourner en entreprise. Hormis la période du premier confinement, la suite s'est plutôt bien déroulée, sans grande difficulté.
Concernant l'enseignement supérieur, on sait que l'apprentissage plaît beaucoup aux jeunes entrant dans l'enseignement supérieur. Il plait beaucoup aussi aux écoles. Des conseils régionaux freinaient auparavant les ouvertures de sections ou limitaient l'accès à l'apprentissage dans l'enseignement supérieur, afin de réserver l'apprentissage et l'alternance aux niveaux bac et « infra-bac ». On constatait déjà une augmentation du nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur avant la réforme, mais elle est plus importante aujourd'hui. En effet, avec la réforme, les conseils régionaux n'ont plus leur mot à dire. Les établissements sont autonomes dans l'ouverture des sections et choisissent le nombre d'élèves.
Cela explique l'augmentation extrêmement sensible du nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur en 2019. La demande a été forte de la part des jeunes mais aussi des écoles. L'école perçoit directement les crédits de l'opérateur de compétence pour chaque apprenti accueilli dans son établissement ; le mode de financement est clair, simple et sûr pour les écoles.
Cette augmentation très marquée est cependant problématique puisque la réforme n'est pas financée. Les dépenses liées à l'apprentissage sont en effet supérieures aux recettes. Cette réalité est en partie liée au succès de l'apprentissage dans le supérieur, où le coût y est souvent plus élevé. Cette question financière reste donc en suspens, retardée par le ministère du Travail qui entendait réduire le budget alloué pour chaque apprenti aux centres de formation, afin de rééquilibrer les dépenses et les recettes.
L'alternance est effectivement très appréciée des jeunes dans les formations bac+5. Nous pensons que l'image de l'apprentissage change et que celui-ci s'est élargi : les jeunes ne pensent plus que l'apprentissage est réservé aux métiers manuels ; nombre d'entre eux le perçoivent comme un moyen d'insertion dans le monde du travail.
L'alternance permet aussi à ces jeunes de financer leur formation. En effet, un apprenti est salarié d'une entreprise et n'a donc pas de frais de formation à payer. Ce système est ainsi attractif. Dans le cas des futurs ingénieurs par exemple, les entreprises sont, elles aussi, satisfaites de pouvoir préembaucher leurs futurs collaborateurs.
La réforme a beaucoup changé les aides à destination des apprentis. Auparavant, ces aides étaient délivrées par les conseils régionaux. Les opérateurs de compétences sont maintenant chargés de verser les aides aux centres de formation et non plus directement aux jeunes. Avant la réforme, les aides destinées à l'hébergement et à la restauration étaient versées directement aux jeunes. Désormais, l'opérateur de compétence n'attribue l'aide aux CFA que si celui-ci engage des dépenses pour l'hébergement ou la restauration. Or certains CFA ne proposent pas ces prestations, si bien que les apprentis devront s'héberger et se nourrir ailleurs, sans bénéficier d'une aide pour autant. Ces problématiques financières liées à la mobilité, l'hébergement et la restauration sont importantes pour la majorité, voire pour l'ensemble des apprentis.
Une autre problématique liée au financement concerne l'aide au premier équipement professionnel. Les opérateurs de compétences attribuent une aide aux centres de formation afin de financer cet équipement, qui appartient aux jeunes. Néanmoins, si le centre de formation ne souhaite pas gérer ce processus administratif d'achats, le jeune ne perçoit pas d'aide et doit payer lui-même son premier équipement.
Depuis la réforme, nous avons constaté que certaines écoles - plutôt bac+5 - n'ont pas compris la philosophie de l'apprentissage et font payer des frais d'inscription (voire des frais de formation) à leurs apprentis, ce qui est strictement interdit. S'emparer de ce sujet est nécessaire, afin d'éviter que des écoles perçoivent des sommes à la fois des opérateurs de compétence, des entreprises et des apprentis.
Quant à la problématique liée à la mobilité internationale des jeunes, elle est traitée par la ministre du travail avec plus d'un an de retard. Cette mobilité compte beaucoup dans l'enseignement supérieur. Une suspension du contrat de travail et d'apprentissage intervient si la durée de quatre semaines de mobilité est dépassée. Or cette durée de mobilité est obligatoire dans le cadre d'un diplôme d'ingénieur. Le contrat du jeune est donc suspendu et ce dernier n'a plus de droits sociaux ni de salaire. Nous avons peu observé cette situation car, en raison de la crise sanitaire, très peu de jeunes sont partis en mobilité internationale.