Je vous livrerai un retour d'expérience puisque nous avons créé notre propre CFA, interne à l'université, pour porter quelques formations.
Je rejoins ce qui a été dit concernant le profil des étudiants, notamment sur la recherche d'autonomie et de sens. L'accent est vraiment mis sur l'exercice de responsabilités. Lorsque nous effectuons des visites en entreprise, les apprentis sont assez fiers de montrer leur mission, leur poste de travail et les éléments qui y sont associés. L'apprentissage revêt un sens spécifique pour les formations de master, qui constituent les derniers pas avant l'insertion professionnelle.
Concernant les profils en amont de la licence, nous repérons également que l'entrée dans l'apprentissage représente une forme de test. L'expérience est souvent très positive. Tester l'apprentissage, c'est l'adopter ! Nous ne connaissons pas d'apprentis n'ayant pas poursuivi leur apprentissage, ce qui constitue un bon signal.
Je tenais à vous signaler l'existence d'une enquête en cours, lancée par la conférence des présidents d'université, concernant les apprentis. Le nombre de répondants s'élève à 5 000. Je ne dispose pas encore des chiffres consolidés, mais sachez que la tendance corrobore bien les éléments donnés précédemment et confirme une véritable démocratisation dans l'accès aux études supérieures.
L'apprentissage permet d'aider des étudiants dont la trajectoire aurait été difficile sans ce dispositif. Il permet également de consolider le lien avec le monde professionnel.
Durant la crise sanitaire, nous avons dû prendre des mesures exceptionnelles. Nous avons notamment mis en place des aides pour les apprentis, sur la base des fonds de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), que les étudiants en alternance acquittent, afin de les accompagner dans les difficultés citées précédemment. Les éléments les plus fréquemment évoqués sont le transport et le logement. La seule rémunération de l'apprenti ne suffit pas forcément. D'autres difficultés, d'ordre plus social, peuvent parfois survenir. Tout l'intérêt de ce dispositif est aussi de recevoir un soutien des équipes pédagogiques et du CFA.
Il nous semble qu'au regard de la situation étudiante, les apprentis ont été, pour ainsi dire, préservés. Ils bénéficient d'un encadrement pédagogique, d'un encadrement social avec le CFA et d'un encadrement professionnel par les maîtres d'apprentissage. Finalement, cet ensemble de cadres a permis, dans le contexte de la crise actuelle, de préserver ces étudiants au regard de la situation étudiante en général.
Chez les différents acteurs de l'apprentissage, une solidarité très importante s'est créée. La preuve en est qu'afin d'aider ceux qui connaissaient des difficultés à trouver un contrat, l'université a embauché, en contrat d'apprentissage, davantage d'apprentis que d'habitude.
La crise a évidemment causé des difficultés. Nous avons essayé de trouver un certain nombre de solutions. Il y aurait encore fort à faire dans les domaines des transports et du logement, qui constituent des points très importants.
Concernant l'enseignement supérieur, nous avons tous repéré une dynamique très forte, davantage sur les masters que sur les licences. Pour les licences, les jeunes peuvent être tentés de reporter l'échéance de l'entrée dans la vie professionnelle. Un accompagnement plus soutenu doit être opéré pour les licences et doit être différencié en fonction des niveaux.
Des freins inhérents à chaque acteur existent. Tout d'abord, les employeurs doivent disposer de postes compatibles avec l'apprentissage et de maîtres d'apprentissage pouvant encadrer le jeune correctement. Toutes les activités professionnelles ne sont pas forcément adaptées à l'apprentissage. Néanmoins, ce point est peut-être à travailler.
Ensuite, chez certains jeunes, il existe une crainte réelle relative à l'entrée dans le monde du travail.
Par ailleurs, un intervenant a évoqué la nécessité d'embaucher davantage d'enseignants-chercheurs pour encadrer les apprentis. Il en va également de la reconnaissance même du statut d'enseignant-chercheur. Dans cette carrière, la valorisation et la reconnaissance sont surtout liées aux publications de travaux de recherche. Or un enseignant-chercheur est aussi enseignant ! Le fait de revaloriser la partie enseignement de sa mission pourrait aider à mobiliser les enseignants sur l'accompagnement des étudiants.
L'apprentissage est une modalité pédagogique qui unit le monde professionnel et celui de l'excellence académique. Au niveau des universités, le fait de bénéficier d'enseignants-chercheurs, la capacité à transférer ces savoirs dans le cadre de la formation et de les connecter aux besoins professionnels ainsi que la possibilité de faire intervenir des professionnels dans les formations constituent une plus-value au bénéfice des travailleurs de demain. Il nous semble essentiel de protéger et de développer ce dispositif, tout en clarifiant le modèle économique de l'alternance, pour le moment extrêmement vague.