Intervention de Muriel Jougleux

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 20 mai 2021 à 16h30
« emploi étudiant salariat apprentissage» — Audition de M. Julien Berthaud co-auteur de salariat étudiant parcours universitaires et conditions de vie 2019 Mme Vanessa Pinto maître de conférence en sociologie à l'université de reims-champagne-ardennes urca auteure de à l'école du salariat. les étudiants et leurs « petits boulots » 2015 Mm. Aurélien Cadiou président de l'association nationale des apprentis de france anaf frédéric sauvage président de l'association nationale pour l'apprentissage dans l'enseignement supérieur anasup Mme Muriel Jougleux vice-présidente « partenariats et professionnalisation » de l'université gustave eiffel - marne la vallée et france vélazquez vice-présidente déléguée à la formation professionnelle de l'université de cergy cy cergy - paris université

Muriel Jougleux, vice-présidente « Partenariats et Professionnalisation » de l'université Gustave Eiffel - Marne-la-Vallée :

Je vous apporterai pour ma part quelques éléments de témoignage sur l'université Gustave Eiffel, qui compléteront les propos de mes collègues, auxquels je souscris tout à fait. Cette université est née d'une fusion de plusieurs établissements, dont trois qui proposaient déjà de l'apprentissage depuis la fin des années 1990.

Aujourd'hui, nous comptons près de 4 000 apprentis, soit quasiment un quart de notre effectif étudiant du bac+1 au bac+5, dans tous les champs disciplinaires. 32 % des DUT, 70 % des licences professionnelles, presque 30 % des masters et 60 % des formations d'ingénieur sont aujourd'hui en apprentissage dans notre établissement.

L'université opère dans ses murs les trois quarts de ses formations. Un quart des formations sont donc déléguées en totalité ou partiellement à des CFA.

Je rejoins les propos des autres intervenants quant au profil des alternants. Nous ne constatons pas véritablement un profil type d'alternant, mais nous remarquons que les apprentis des formations opérées en direct par les CFA ont parfois un profil un peu moins académique et rencontrent parfois davantage de difficultés. Néanmoins, ils font l'objet de modalités d'accompagnement dans ces CFA et de dispositifs de remédiation leur permettant d'assurer la réussite à leur diplôme.

La crise sanitaire a doublement touché les étudiants en apprentissage, à la fois dans leur formation et en entreprise. Des situations très différentes ont pu survenir dans les entreprises, en fonction des secteurs d'activité et de la taille de ces entreprises. Certains apprentis étaient totalement en télétravail tandis que d'autres vivaient des situations mixtes. Un nombre réduit d'étudiants a continué à travailler normalement.

Selon l'étude réalisée par notre CFA, les étudiants apprentis, que l'on pourrait croire privilégiés, ont tout de même rencontré des difficultés. Ainsi, 38 % de nos apprentis étaient en télétravail complet. Seulement 56 % ont eu un contact régulier avec leur maître d'apprentissage, ce qui constitue une vraie préoccupation pour les autres. 20 % d'entre eux ont clairement exprimé un mal-être associé, par exemple, à une situation d'isolement, de surcharge de travail ou des problématiques liées à la santé physique et psychique. Cette réalité nous a encouragés à mettre en place des dispositifs d'accompagnement spécifiques pour ces apprentis. Cependant, les apprentis ont rencontré moins de difficultés économiques que les étudiants en formation initiale à temps plein.

Il existe plusieurs facteurs ayant contribué au développement de l'alternance au sein de notre université.

Le premier facteur est une conviction collective, portée par l'université. Nous pensons en effet que le développement de l'alternance est vraiment un moyen privilégié pour les jeunes diplômés d'accéder à un emploi qualifié. En trente ans, cette idée a globalement convaincu l'ensemble des équipes pédagogiques.

Le deuxième facteur est l'importance des relations avec les partenaires socio-économiques mais aussi d'une offre de formation adaptée à l'apprentissage, car elle est pensée d'emblée dans une perspective de professionnalisation des étudiants. Cela suppose de la formaliser sous forme de blocs de compétences, de penser aux périodes en entreprise ou encore de faire intervenir un certain nombre de professionnels dans les formations.

Le troisième facteur est une demande accrue des étudiants pour ce type de formation, à laquelle nous avons répondu en liaison avec les partenaires socio-économiques et le territoire.

Un dernier élément, plutôt interne au fonctionnement de l'université, est la politique de rémunération incitative auprès des responsables de formation et des secrétariats pédagogiques, mise en place afin de soutenir la charge de travail supplémentaire. Ce point était important dans le but d'assurer progressivement ce développement.

Ces formations sont appréciées par les étudiants car elles leur permettent de financer leurs études tout en réalisant des missions en totale adéquation avec leur projet professionnel et le contenu des formations qu'ils souhaitent suivre, avec des rythmes adaptés. Dans l'apprentissage, la tension entre l'emploi et les études est très largement aménagée par les contenus et les rythmes d'alternance. Sans l'apprentissage, une fraction très importante de nos apprentis n'aurait pas poursuivi d'études supérieures.

Cette formation offre également aux étudiants la possibilité de mettre en pratique leurs acquis académiques tout au long de leur cursus et de développer un certain nombre de soft skills. L'apprentissage les rassure sur leur employabilité mais aussi sur la pertinence du choix de leur formation. Enfin, il offre une garantie d'insertion professionnelle plus rapide, de meilleure qualité en termes de stabilité et de qualité de l'emploi, à des niveaux de rémunération un peu supérieurs à ceux des étudiants en formation initiale à temps plein. L'enquête du ministère, sortie aujourd'hui, confirme au niveau national les éléments que nous avons pu constater.

Pour les entreprises, le coût de ces salariés est évidemment un argument en faveur de l'apprentissage. Cependant, au-delà de cet élément, les entreprises constatent tout de même qu'elles embauchent des jeunes dotés de compétences importantes et désireux de les développer.

Je tiens à souligner que ces étudiants présentent de très beaux taux de réussite. L'emploi n'obère pas leurs capacités à obtenir leur diplôme.

Je distingue deux principaux obstacles au développement de l'apprentissage.

Le premier obstacle est le sous-encadrement chronique de nos établissements, alors que ces formations génèrent des surcharges de travail sur les plans pédagogique et administratif. La réforme de 2018 prévoyait une certaine forme de simplification. Force est de constater qu'elle n'est pas au rendez-vous sur les aspects administratifs. Pour les établissements qui opèrent directement la contractualisation de leurs apprentis, nous constatons au contraire une surcharge de travail dans les conventions, avec les opérateurs de compétence par exemple.

Un deuxième obstacle résulte du fait que l'apprentissage n'est pas toujours intégré d'emblée dans les nouvelles procédures ou les nouveaux cursus de l'enseignement supérieur et de la recherche. La réforme du bachelor universitaire de technologie (BUT) n'a pas prévenu un certain nombre de problématiques relatives à l'apprentissage. Nous avions déjà vécu cela pour Parcoursup.

Le dernier obstacle est lié aux incertitudes sur la rémunération correcte et juste de ces formations, freinant les perspectives de développement, voire nous incitant à nous interroger sur le maintien de ces formations dans notre offre.

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