Les Restos du coeur travaillent sur ces sujets depuis de nombreuses années et ont alerté l'État sur la précarité étudiante depuis un certain temps, notamment parce que les jeunes de moins de 25 ans représentent 50 % de nos bénéficiaires. C'est considérable ! Au pic de la campagne d'hiver, nous accueillons 900 000 personnes, dont quelque 100 000 jeunes. Nous avions alerté l'État lorsqu'un étudiant s'était immolé par le feu en 2019. La situation actuelle n'est donc pas une découverte pour nous.
Cette année, nous avons remarqué qu'une quinzaine de nos centres, accueillant déjà des centaines d'étudiants, ont vu un fort afflux de cette population. Nous avons dû modifier nos conditions de fonctionnement dès le premier confinement, notamment car 30 % de nos bénévoles ont plus de 70 ans et devaient être protégés du risque de contagion. C'est pour cette raison que nous avons eu besoin d'aller vers les étudiants, tant pour leur apporter de l'aide que pour mobiliser certains d'entre eux, qui nous ont rejoints.
S'agissant de l'évolution des besoins, nous avons observé, dès les premières semaines, une augmentation des étudiants dans nos dispositifs d'activité de rue. Nous avons vu des étudiants étrangers dans l'impossibilité de repartir chez eux, confinés dans des logements exigus et des étudiants très souvent en rupture familiale. Cette précarité, très grave et subite, a donc mis en avant la nécessité de mettre en place une réponse urgente.
Nous avons conclu un certain nombre de partenariats tournés en priorité vers les associations étudiantes (notamment la FAGE), ce qui est nouveau pour nous. Nous avons ouvert de nouveaux points d'activité, par exemple à Montpellier, au sein du Crous. Cela nous a permis de flécher les étudiants vers nos centres d'activités habituels, l'aide alimentaire n'étant qu'une porte d'entrée. Au centre de Montpellier, nous accueillons aujourd'hui près de 900 personnes, contre 300-400 au début de la crise. L'évolution est donc très préoccupante.
La première cause évoquée par les étudiants est, bien entendu, la perte de revenus issus des emplois précaires ou des « petits job » étudiants dans les secteurs de la restauration, du tourisme ou de l'hébergement. Cela s'est produit de manière très soudaine. Des étudiants se sont retrouvés à la rue. Nos associations essayent d'éviter la bascule dans la pauvreté dont il est très difficile et très long - cela peut prendre des générations - de se relever.
Cette situation s'est avérée très éprouvante pour nos bénévoles. Il a fallu, dans certains cas, nous orienter vers des associations spécialisées en soutien psychologique tout en formant nos bénévoles à mieux résister et à tenir dans le temps.
Nous avons noué des partenariats avec la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), la Croix-Rouge ou Action contre la faim pour le volet hygiène, mais aussi avec des associations locales qui promeuvent des aides plus personnalisées.
La question des locaux est fondamentale et ne pas pouvoir ouvrir un centre d'activité à proximité ou au sein d'un campus universitaire a souvent pour unique cause le manque de locaux. Dans ce domaine le partenariat avec les collectivités territoriales est stratégique. Nous avons néanmoins pu ouvrir des centres éphémères, comme au stade Vélodrome à Marseille, en nouant des partenariats avec des associations faisant autre chose que de l'aide alimentaire, par exemple de l'aide à la santé.
Les difficultés rencontrées ont bien sûr été, dès le départ, la main d'oeuvre bénévole, avant que les étudiants ne nous rejoignent, notamment pour rompre leur isolement. On pourrait ainsi penser à inscrire, dans les cursus universitaires, la participation à des actions de solidarité au sein d'associations comme les nôtres.
S'agissant du repas à 1 euro, nous ne disposons pas encore d'éléments suffisants pour en juger l'efficacité. Néanmoins, nous n'avons pas remarqué de diminution de la fréquentation de l'aide alimentaire depuis que ce dispositif existe. Beaucoup nous ont dit que les restaurants universitaires sont trop éloignés.
Le chèque alimentaire, s'il peut constituer un complément, ne résout pas tout, notamment car il ne permet pas d'initier un accompagnement. Notre action a sen effet pour objet non seulement d'aider les gens à survivre, mais aussi d'anticiper la suite. Le chèque alimentaire reste toutefois un outil efficace.
S'agissant des solutions, la quasi-totalité des étudiants et des jeunes nous font savoir que leur principale difficulté est d'ordre financier. Ils n'ont pas seulement besoin d'être aidés en termes alimentaires, difficulté pour laquelle ils ont des compléments, mais d'un soutien financier, d'un « petit coup de pouce » pour leur permettre de mieux se consacrer à leurs études. Cela pose effectivement la question du revenu minimum.