Intervention de Julien Meimon

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 6 mai 2021 à 11h00
Crise sanitaire et aide alimentaire pour les étudiants — Audition de représentants d'associations

Julien Meimon, président de l'association Linkee :

Effectivement, à la crise sanitaire s'ajoute la crise sociale, qui aura des conséquences à beaucoup plus long terme. De nombreuses associations étudiantes sont nées durant cette période, partout sur le territoire ; elles sont d'une grande efficacité sur le terrain et sont parfois des modèles de résilience durant cette période de crise. Je veux sur ce point saluer le travail effectué par AGORAé.

La précarité étudiante n'est pas née avec le confinement, mais elle s'est aggravée, et l'association Linkee s'est attachée à attirer l'attention des responsables sur cette réalité.

Née il y a cinq ans d'une ambition : développer une aide alimentaire durable à partir d'invendus et de bons produits, notre association a constaté, dès le premier confinement et de concert avec le Secours populaire, les Restos du coeur, la mairie de Paris et le Crous, que beaucoup de jeunes étaient présents, étudiants ou non. Nous avons alors décidé de la création d'un dispositif ad hoc dédié aux étudiants, pour la rentrée universitaire de 2020. C'est ce dispositif que nous animons depuis lors.

Depuis octobre 2020, ce dispositif représente quelque 163 distributions, 20 lieux de distributions en Île-de-France et, chaque mois, 160 000 repas. Notre équipe très motivée s'appuie sur des partenariats institutionnels ainsi que sur la solidarité entre les associations.

Notre distribution, qui a connu un certain succès médiatique, se base sur quatre piliers.

Premièrement, l'accueil inconditionnel : une carte d'étudiant suffit pour venir. Nous partons du principe que ceux qui viennent vers nous en ont besoin. La contrepartie est un suivi a posteriori des étudiants que nous accueillons. Nous avons donc lancé une enquête sociologique quantitative et qualitative pour identifier qui sont ceux qui viennent aux distributions et quels sont les ressorts de leur précarité, pour être ainsi en mesure d'informer les pouvoirs publics sur la nature de la précarité en temps de crise. Nos résultats portent aujourd'hui sur quelque 3 000 étudiants, ce qui n'est pas négligeable.

Deuxièmement, nous avons fait le choix de distribuer des colis d'alimentation durable constitués de fruits et légumes bio récupérés ou achetés, ainsi que de produits frais. Nous voulons donner la possibilité de cuisiner aux étudiants qui le peuvent et avons à cet effet institué des ateliers de cuisine solidaire. Les colis pèsent 7 kg, ce qui permet aux étudiants qui vont aux deux distributions par semaine de tenir une semaine et d'évacuer la question alimentaire de leur charge mentale.

Troisièmement, nous avons fait le choix de proposer des lieux de distribution particuliers. Beaucoup d'étudiants étant rétifs à l'idée d'aller aux Restos du coeur, nous avons choisi de privilégier des lieux non stigmatisants et nous nous sommes adressés aux restaurants et bars fermés. De la même manière, ce sont des étudiants qui sont les bénévoles sur place, certains étant également bénéficiaires, ce qui permet d'abolir la frontière entre celui qui aide et celui qui reçoit et de créer du lien social.

Quatrièmement, nous avons voulu proposer une ambiance chaleureuse : des étudiants viennent jouer de la musique et contribuer au bien-être de chacun lors de ces distributions.

Nous nous sommes volontairement liés à des associations s'occupant d'autre chose que l'aide alimentaire, à l'instar de celles soignant la détresse psychologique des étudiants, proposant des produits d'hygiène - des kits d'hygiène sont présents dans toutes nos distributions - et traitant de la question de l'accès aux droits, de la santé ou du logement. Notre idée est que, dans nos lieux de distribution, toutes les précarités puissent être prises en charge grâce à la présence d'acteurs très divers. Notre étude nous révèle d'ailleurs qu'il n'y a pas une mais des précarités étudiantes : notre travail est de jouer le rôle de filet de sécurité durant la crise, en nouant des partenariats de long terme avec des associations aux actions complémentaires aux nôtres.

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