Intervention de Benjamin Flohic

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 6 mai 2021 à 11h00
Crise sanitaire et aide alimentaire pour les étudiants — Audition de représentants d'associations

Benjamin Flohic, directeur général de l'association Co'p1 - Solidarités étudiantes :

Merci pour cette invitation. C'est un honneur pour nous de présenter notre action et nos constats devant le Sénat. Notre association est non partisane, et son seul but est de porter assistance aux étudiants en situation de précarité. Créée il y a neuf mois en réaction à la crise sanitaire et à ses impacts sur les étudiants, elle compte aujourd'hui 500 membres, tous bénévoles et tous étudiants - d'où le retard d'Ulysse et ma propre participation par visioconférence : j'étais en partiel il y a encore une demi-heure ! Nous aidons 1 000 étudiants par semaine en Île-de-France, en organisant une distribution tous les jeudis dans le quatorzième arrondissement de Paris et deux distributions par semaine à la maison des initiatives étudiantes (MIE) de Bastille. Au début, au mois d'octobre 2020, nous aidions 150 étudiants par semaine ; nous distribuons à présent à un millier d'étudiants des paniers de 8 à 10 kg, d'une valeur d'environ 35 euros, qui doivent leur permettre de tenir la semaine en ayant suffisamment à manger ; nous incluons des produits d'hygiène - le tout avec des produits de bonne qualité : ce n'est pas parce qu'on est en situation de précarité qu'on n'a pas le droit de bien manger.

Notre association est construite par et pour les étudiants. C'est important, car certains bénéficiaires peuvent être réticents à aller à des distributions qui s'adressent à des personnes sans domicile fixe, par exemple. Vu le nombre d'étudiants qui ont sombré et les conséquences gravissimes engendrées par la crise sur les situations personnelles, nous ne pouvions accepter que l'aide que nous pouvions leur apporter soit perdue au motif qu'ils ne se seraient pas sentis légitimes à la recevoir. Ce sentiment, nous en avons beaucoup entendu parler. Certains étudiants ont fini par venir après n'avoir rien mangé pendant deux jours... Nous avons donc voulu casser cette barrière. C'est pourquoi nous rendons les distributions aussi sympathiques que possible, et tâchons de montrer qu'il n'y a aucune différence entre le fait d'être bénévole et d'apporter de l'aide et le fait d'avoir besoin de l'aide que nous proposons. Nos distributions se font avec de la musique, nous tutoyons les bénéficiaires, dont certains deviennent bénévoles à leur tour, nous organisons ensemble des activités comme des tournois de billards... Nous essayons de légitimer et de normaliser le fait d'être aidé par ses pairs quand on se trouve dans une situation compliquée.

Nous avons mis en place des systèmes de parrainage et de suivi pour chaque étudiant, s'il le souhaite, afin d'accompagner au mieux les besoins de chacun. Nous avons également achevé la semaine dernière une étude de 60 pages sur le profil des étudiants bénéficiaires. Beaucoup de nos bénévoles ont travaillé sur cette étude, lancée dès la création de l'association. Elle répond à trois questions : qui sont les bénéficiaires ? Comment adapter nos distributions en fonction des besoins de chacun, notamment en produits d'hygiène et de première nécessité ? Quelle est l'ampleur des effets de la crise sur les étudiants ?

L'étude a révélé une explosion de la précarité étudiante - qui n'a pas commencé avec la crise, naturellement. Plus de mille étudiants ont répondu à l'enquête et nous ont apporté leurs témoignages, qui nous permettent de mettre des mots sur les chiffres. Le premier chiffre qui ressort de notre étude est que 79 % des bénéficiaires qui ont répondu à l'enquête sollicitaient une aide alimentaire pour la première fois à la rentrée 2020. C'est pire que ce à quoi on pouvait s'attendre : huit étudiants sur dix sont devenus précaires du fait de la crise, c'est une catastrophe sociale absolue ! Un étudiant sur deux, dans notre enquête, affirme ne pas manger à sa faim de manière répétée. Ce fait est corroboré par les témoignages apportés par nos discussions avec les bénéficiaires : plusieurs fois par semaine, on saute un repas, on se couche le ventre vide, on arrive en fin de semaine en ne pouvant plus manger de toute la journée avant de venir à la distribution du vendredi soir ou du samedi midi...

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