Intervention de Roxana Maracineanu

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 11 juin 2020 à 10h30
Audition de Mme Roxana Maracineanu ministre des sports

Roxana Maracineanu, ministre :

La définition de la laïcité n'est pas simple. Nous l'avons constaté dans le champ sportif en écoutant les remontées des associations, des éducateurs et des établissements. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'éditer un guide intitulé La laïcité et le fait religieux dans le champ du sport. L'idée n'est pas de définir la laïcité comme l'interdiction de tout signe religieux dans la pratique sportive, comme vous l'entendez, mais de parler de neutralité, en expliquant aux associations et aux éducateurs que le moment sportif est un moment de loisir dans la vie de nos concitoyens et de leurs enfants. Il faut éviter que les parents ne claquent la porte d'une association pour en rejoindre une autre proposant de faire pratiquer le sport aux filles et aux garçons de manière séparée, en les encadrant idéologiquement. On s'éloignerait alors complètement des valeurs de la République - en tout cas de celles de la mixité, que je défends.

Sans entrer dans le débat religieux, arriver à faire en sorte que les femmes et les jeunes filles aient plus accès au sport est déjà un combat en soi, tout comme faire en sorte d'augmenter le nombre de femmes dans les instances dirigeantes des clubs, des associations, des fédérations ou des grandes institutions sportives.

Le sport que je défends est un sport inclusif, où tout le monde a sa place, où chacun arrive comme il est, et qui permet à l'individu de se construire, de découvrir l'autre, de s'exprimer sur ce qu'il est, sur ce que sont ses parents, sa culture, son origine.

Le sport, de mon point de vue, peut avoir cette vocation éducative et conduire à la citoyenneté. Si les enfants doivent se présenter, comme à l'école, sans aucun signe distinctif alors qu'il s'agit d'un moment facultatif, les parents risquent de les retirer du seul endroit où ils peuvent venir comme ils sont. C'est pour moi un idéal républicain.

C'est à ce moment qu'on risque d'aller vers le séparatisme et les dérives communautaires. Nous voulons promouvoir les acteurs sociaux sportifs dans les quartiers les plus compliqués par rapport au fait religieux. Même si ces acteurs sont là depuis longtemps, le ministère des sports ne les avait encore jamais reconnus ni financés.

L'année dernière, l'Agence nationale des sports a débloqué 2 millions d'euros pour lancer un appel à projets afin de prendre contact avec les associations. Huit cents d'entre elles ont répondu. Nous avons augmenté notre fonds d'un million d'euros. Il va à nouveau augmenter cette année de manière à pouvoir créer un lien avec ces associations, à appuyer leur présence et à proposer un label citoyen républicain à celles qui s'engageront à nos côtés, grâce à la signature d'une convention spécifique, la plupart d'entre elles n'étant pas fédérales.

Nous essayons aujourd'hui de créer des ponts entre ce réseau associatif et les fédérations. Nous avons en effet davantage de leviers d'action : contrats de délégation - que je désire renforcer -, projets sportifs fédéraux en faveur de l'insertion des publics les plus fragiles dans les quartiers, formation des éducateurs grâce aux modules de formation « éthique et intégrité », que j'ai souhaité thématiser afin de les familiariser avec toutes les dérives que peut connaître le sport.

Je crois que les valeurs du sport ne sont pas intrinsèques au sport, mais portées par des éducateurs qui sont au contact des enfants. C'est sur ces encadrants et leurs valeurs qu'il nous faut travailler. Les modules de formation qui existent sont optionnels et ne sont pas évalués. On veut aujourd'hui enrichir leur contenu, les rendre obligatoires, qu'un temps spécifique leur soit accordé dans la formation et qu'ils soient évalués.

Beaucoup d'éducateurs ne sont pas passés par là. Il faut donc recourir à la formation continue et croiser les regards. En effet, ce n'est pas parce qu'un éducateur a suivi ces modules qu'il ne va pas en dévier une fois en activité.

Il n'existe de toute façon pas d'autre solution que de se reposer sur les personnels municipaux qui ouvrent le gymnase chaque jour, qui peuvent détecter ce qui se passe dans les vestiaires et alerter sur des comportements déviants de l'association sportive.

Le prosélytisme, je le répète, n'est pas interdit en France, pas même au sein d'une association. Aujourd'hui, une association sportive n'est pas le droit d'utiliser un équipement ni de rassembler des enfants pour autre chose que la pratique sportive, comme pour la prière, par exemple. Nous y veillons.

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