Mesdames et messieurs, mes chers collègues, avec cette table ronde intitulée « L'Europe face à la nouvelle géopolitique de l'énergie », nous achevons un cycle d'auditions consacrées à la politique énergétique de l'Union européenne dans un contexte marqué par la flambée des prix de l'énergie et les risques en matière d'approvisionnement en énergie. Nous avons, en effet, organisé, en octobre dernier, une première table ronde, consacrée aux enjeux stratégiques de l'énergie pour l'Union européenne, et une deuxième, au mois de décembre, sur le thème de la réforme européenne du marché de l'électricité.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie, il y a un peu plus d'un an, et les sanctions décidées en représailles ont bouleversé les marchés mondiaux de l'énergie et ont conduit à une réorientation des flux d'approvisionnement pour l'Europe, troisième plus gros consommateur d'énergie au monde. En quelques mois, s'est donc dessinée une nouvelle géopolitique des énergies.
Brutalement, la guerre en Ukraine a mis en évidence la forte dépendance de l'Union européenne aux importations de combustibles fossiles, en particulier russes, même si tous les États membres n'étaient pas dans la même situation de ce point de vue. Jamais sans doute, depuis la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier en 1951, les questions d'approvisionnement et de sécurité énergétique n'ont eu une si grande importance dans l'histoire de l'Union européenne.
L'énergie, et tout particulièrement le gaz dans ce contexte de guerre, est devenue une arme aux mains des dirigeants russes. Avant même l'invasion de l'Ukraine, la Russie avait déjà commencé à réduire ses livraisons de gaz à l'Europe, contribuant à renchérir les prix des énergies, déjà tendus du fait de la reprise économique qui a suivi la crise sanitaire. Depuis son déclenchement, ce sont sans doute par ses répercussions énergétiques que le conflit ukrainien aura le plus affecté les acteurs économiques et les ménages européens.
En réaction, l'Union européenne a rapidement décidé de sortir au plus vite de sa dépendance au gaz russe : le 18 mai 2022, la Commission européenne a présenté à cet effet le plan REPowerEU. Pour assurer son approvisionnement énergétique, l'Union s'est alors engagée dans une course effrénée à la recherche de nouveaux fournisseurs mais aussi d'autres ressources énergétiques, notamment le gaz naturel liquéfié.
La part du gaz russe dans le bouquet énergétique de l'Union est ainsi passée de 40 % à moins de 10 % en quelques mois, et la consommation de gaz dans l'Union a baissé de près de 20 % en six mois, ce qui est supérieur à l'objectif que s'étaient fixé les États membres.
Par ailleurs, la décarbonation de l'économie européenne, enjeu auquel doit répondre le Pacte vert pour l'Europe, contribue aussi à bouleverser les équilibres géopolitiques de l'énergie. De nouveaux pays fournisseurs d'énergie décarbonée vont émerger, susceptibles de dominer certains marchés, et ainsi favoriser l'apparition de nouvelles dépendances.
L'accès à l'énergie constitue donc, plus que jamais, un enjeu géopolitique majeur pour l'Europe, aujourd'hui et pour l'avenir.
Ce sont ces éléments qui ont conduit la commission des affaires européennes à organiser cette table ronde sur les enjeux géopolitiques de l'énergie pour l'Europe. Je remercie les intervenants qui ont bien voulu se rendre disponibles pour y participer.
Je laisse dans un premier temps la parole à Monsieur Nicolas Mazzucchi, directeur de recherche au Centre d'études stratégiques de la Marine (CESM). Vous avez publié, en octobre dernier, un article intitulé « La France et l'Europe face à la décontinentalisation des flux énergétiques ».
Quels sont les défis géopolitiques de l'accès aux ressources énergétiques pour l'Union européenne ? Quels sont les bouleversements majeurs qui sont intervenus sur les marchés mondiaux de l'énergie depuis le conflit ukrainien ? Comment l'accès à l'énergie est-il devenu une arme dans ce conflit ? Quel est l'impact des sanctions européennes sur la Russie et aussi sur nos économies ?