Intervention de Gaëtan Casanova

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 13 janvier 2022 à 16h00
Audition d'internes et de jeunes médecins : M. Gaëtan Casanova président de l'intersyndicale des internes isni Mme Mathilde Renker présidente de l'intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale isnar-img dr thiên-nga chamaraux tran vice-présidente en charge de la médecine hospitalière de jeunes médecins dr agathe lechevalier présidente du regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants reagjir

Gaëtan Casanova, président de l'intersyndicale des internes (ISNI) :

Il existe un moyen de régler la maltraitance en général et l'absence de formation. La formation médicale n'est pas un caprice d'étudiant, mais la possibilité de prendre en charge des patients de la meilleure façon qui soit pour les années à venir.

Il existe dans les hôpitaux périphériques deux commissions pour accueillir des internes dans un établissement ou un service, la commission d'agrément et la commission de répartition des postes.

Des avancées majeures ont été réalisées à notre demande dans ce domaine par le ministère de la santé. Même si le règlement le prévoyait, il n'existait en effet en pratique aucune lisibilité. Les personnes n'étaient pas toutes convoquées. Il n'y avait ni procès-verbal ni signature. Le maître mot était le « copinage », qui a tendance à renvoyer vers le CHU.

C'est en train de se régler - du moins je l'espère. Des engagements ont été pris par le ministre, et je les salue. Cela va changer les choses, je le crois.

S'agissant de la gouvernance, peut-être faut-il se poser la question de la décentralisation des nominations des directeurs d'hôpitaux et du rôle des élus à l'échelon local. On a un système de santé excessivement centralisé. Est-ce une bonne chose ? De moins en moins de personnes le pensent. Peut-être faut-il revoir le poids des élus et des acteurs de terrain.

Il faut redonner aux territoires la main sur leurs hôpitaux. On sait l'importance que cela peut avoir en termes d'aménagement du territoire et en termes économiques. Il me semblerait donc logique que les territoires puissent se saisir à nouveau de ce problème.

Vous avez parlé de centres de santé. Avec notre réseau de médecine générale, nous avons travaillé sur la question des pépinières d'internes. L'idée est d'avoir de grands axes de communication dans des zones qui ne sont pas forcément bien dotées.

Partir seul dans un endroit qu'on ne connaît pas ne donne pas toujours envie. En revanche, le fait de pouvoir se former avec des maîtres de stage à trois, quatre ou cinq, pendant six mois, est probablement plus attractif. C'est ce genre de perspectives qu'il faut développer.

Connaître un territoire est un facteur qui favorise également l'installation.

Les choses ont-elles tant changé ? En effet, et le monde hospitalier n'est plus du tout le même. C'est un problème que l'on a avec les générations les plus anciennes, qui voient la réalité à travers le filtre de leur vision d'autrefois. Le monde a changé, et pas seulement à l'hôpital. Vous parliez des DES. À une certaine époque, il existait une vraie flexibilité. On commençait à suivre une spécialité, puis on s'orientait finalement vers une autre. Aujourd'hui, on passe le concours, puis on doit préparer une spécialité sans pouvoir en changer, sauf rares exceptions.

Il existe de plus en plus de spécialités qui sont étriquées, enfermées, et vous avez intérêt à bien travailler, parce que c'est ce qui va déterminer la suite de votre vie. Cela donne des personnes dures, déprimées, souvent peu solidaires. Comment voulez-vous éprouver la moindre once d'empathie ? Cette machine qui vous broie produit des personnalités dont les valeurs humaines sont très discutables.

Dr Thiên-Nga Chamaraux Tran. - Les choses allaient déjà mal en matière de conditions de travail avant le covid, mais elles sont désormais insupportables.

En effet, le Président de la République, à Mulhouse, le 25 mars 2020, alors qu'on avait dû monter un hôpital militaire sur un parking, avait dit : « Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort. L'engagement que je prends ce soir pour eux et pour la Nation tout entière, c'est qu'à l'issue de cette crise, un plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières sera conduit pour notre hôpital. C'est ce que nous leur devons. C'est ce que nous devons à la Nation. Cette réponse sera profonde et dans la durée. »

Vous m'avez par ailleurs posé la question de savoir quelles étaient les charges administratives que nous rencontrons en plus des tâches inhérentes à notre activité médicale. Lorsque j'ai besoin d'un nouvel appareil de monitorage hémodynamique dans mon service de réanimation, il nous faut, après que plusieurs industriels nous aient présenté les différents appareillages, monter un dossier qui va passer devant une commission. Or nous n'obtenons jamais de réponse. On nous explique au bout d'un moment qu'on ne renouvellera que le matériel nécessaire, faute de possibilité d'investissements supplémentaires.

On a perdu du temps à monter un dossier pour justifier notre demande, en expliquant ce que cet appareillage pourrait changer dans notre pratique, et cela ne sert finalement à rien. Ce sont ces charges administratives qui nous empêchent de faire notre travail correctement.

Il y a également tout ce qui a trait aux certificats totalement stupides que nous devons remplir pour attester qu'un enfant a le droit de faire de la danse, etc. ou, en réanimation, pour les assurances des personnes accidentées.

On a évoqué la nécessité d'un lien entre ville et hôpital. Le statut unique de praticien hospitalier prévoyait de définir pour chacun un pourcentage d'exercice à l'hôpital et en ville. Ceci pourrait effectivement favoriser un exercice mixte, qui a disparu avec la suppression, pour raisons budgétaires, des postes de praticiens attachés.

Cette dichotomie ville-hôpital serait selon moi plus saine qu'une activité privée dans l'hôpital public, qui engendre des dépassements. Sanctuariser l'hôpital public serait plus utile, notamment en termes de relations interpersonnelles.

On a évoqué le virage ambulatoire nécessaire pour désengorger l'hôpital. Cela ne peut se faire qu'en augmentant le nombre de médecins généralistes. Des ratios 50-50 seraient au minimum nécessaires pour pouvoir réinvestir la ville. La restauration des CES pourrait ajuster les besoins en pédiatrie, en gynécologie médicale.

Qu'en est-il de la grille des praticiens hospitaliers ? Jeunes médecins a déposé un recours devant le Conseil d'État. Nous n'avons pas de nouvelles pour l'instant. 8 000 praticiens hospitaliers ont par ailleurs exercé un recours auprès des tribunaux administratifs. Ils n'ont pour le moment pas non plus de nouvelles à propos de leur déclassement.

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