Intervention de Moritz Kraemer

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 9 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Moritz Kraemer responsable de la notation de la france chez standard & poor's et de Mme Carole Sirou présidente de standard & poor's france

Moritz Kraemer, responsable de la notation France chez Standard & Poor's :

Les conclusions des différentes agences de notations ne constituent pas une faiblesse mais une force. Qu'est-ce qu'une notation ? Une notation a une ambition plutôt limitée : l'objectif est d'évaluer pour l'avenir la probabilité de défaut d'une organisation, d'un pays, etc.

C'est un événement qui ne se produira peut-être jamais. C'est tout à fait différent de ce que fait une société d'audit qui travaille sur un ensemble de règles précises et étudie les comptes reflétant le passé. Nous travaillons quant à nous sur l'avenir et ce sont des questions extrêmement complexes. Il n'est donc pas vraiment surprenant de constater que certains observateurs, dans certaines organisations, arrivent à des conclusions qui ne sont pas toujours les mêmes.

Une partie de ceci tient aux différences de critères pris en compte. Nous disposons de quelques fondamentaux, comme les statistiques, la performance politique et budgétaire, l'environnement économique, dont vous avez parlé, etc. Ces critères sont communs à toutes les autres agences de notation, mais nous les pondérons de façon différente. C'est ici qu'entre en ligne de compte l'élément qualitatif, surtout s'agissant de la notation d'un pays.

Le défaut de paiement de tel ou tel pays ne concerne pas tant la capacité à payer que la volonté de payer. Tout défaut de paiement relève d'une décision politique, alors que le pays a en principe les moyens de payer. Ce sont des dossiers différents de ceux pour lesquels nous disposons de procédures de faillite.

Je ne suis pas en mesure d'avancer d'arguments concernant l'avis émis par nos concurrents, Moody's et Fitch, au sujet de la France. Je ne connais pas leur méthode mais il n'est jamais facile de dégrader un pays. L'an dernier, nous avons dégradé les Etats-Unis, pays important s'il en est... Il faut appliquer les critères disponibles publiquement. Nous vous encourageons à les étudier car nous pensons que notre document est concis et transparent. Je pense qu'il existe des différences minimes mais les agences sont d'accord sur le fait que la France, les Etats-Unis, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont des pays dont le crédit est très fort. Historiquement, aucun pays souverain bénéficiant d'un triple A (AAA) n'a jamais fait défaut. Dans tous les cas, la probabilité de défaut est minime mais il peut exister des nuances.

Qui est responsable de la décision d'évaluation ? Je suis heureux de pouvoir répondre à cette question. Toute évaluation souveraine est faite par une équipe « pays » de deux personnes. Celle de la France est composée de mon collègue basé à Madrid et de moi-même. Cette équipe est responsable de la préparation des informations destinées à la réflexion du comité de crédit. La décision sur la notation n'est en effet pas prise par ces deux personnes mais par le comité de crédit, composé d'analystes d'Asie et des pays du Pacifique, d'Europe et des Etats-Unis. L'équipe présente au comité de crédit une recommandation afin de savoir s'il faut confirmer la notation, en changer la perspective ou si celle-ci peut être améliorée ou dégradée. Le comité de crédit, après délibération approfondie, suit une « check-list » précise afin d'être certain que tous les aspects ont bien été évalués et vote à la majorité. Cette instance est toujours composée d'un nombre impair de personnes. Sept seniors font partie du comité de crédit, où l'abstention est interdite. On ne peut donc se trouver face à une situation de blocage.

Cette décision est ensuite transmise au Gouvernement ou à l'entreprise concernée puis publiée après un laps de temps de douze heures. Il n'est pas vrai qu'une équipe de deux personnes décide seule de la notation de la France. La décision est celle du comité de crédit.

Ne serait-il pas préférable qu'une personne vivant en France participe à ce processus d'élaboration et de prise de décision ? Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Nous notons 128 pays souverains : il serait donc difficile de compter sur des personnes résidant dans chaque pays. Cet exercice de notation est un exercice de comparaison relative d'un pays par rapport à un autre. Il est essentiel de comprendre les différents points de comparaison.

En Europe, nos équipes peuvent très efficacement comparer le crédit de la France par rapport à celui de l'Allemagne, du Luxembourg, etc. Il est souhaitable selon nous que les analystes en soient capables. Le lieu de résidence est pour moi secondaire...

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