Intervention de Moritz Kraemer

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 9 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Moritz Kraemer responsable de la notation de la france chez standard & poor's et de Mme Carole Sirou présidente de standard & poor's france

Moritz Kraemer, responsable de la notation France chez Standard & Poor's :

C'est un cercle vicieux : lorsque vous dégradez un pays, vous provoquez une approche encore plus prudente de la part des investisseurs, qui entraîne par la suite une nouvelle dégradation.

A la lumière des faits, il est faux de prétendre qu'en dégradant un pays, les spreads risquent de s'élargir ou le coût de financement dudit pays d'augmenter. C'est aussi valable pour les Etats-Unis que pour la France. Les notations de Standard & Poor's pour l'Italie, la Grèce ou le Portugal ont commencé à être dégradées en 2004 : cela n'a pas eu le moindre impact sur le marché. Les investisseurs pensent que ces notations sont pertinentes et ont jusqu'ici servi à prédire les défauts. Les investisseurs ne prennent pas seulement en compte les forces et les faiblesses d'un pays souverain. Dans le cas de la France, les données concernant le marché, les spreads sur les obligations ou les assurances sur les CDS peuvent être transformés en probabilités de défaut, qui peuvent à leur tour devenir des éléments de notation. Le marché a commencé à dégrader la France il y a deux ans en termes de comportement. Les spreads ont alors commencé à devenir plus importants. Tout cela signifie que l'élément psychologique n'a pas grand-chose à voir avec ce que disent les agences de notation. Je m'exprime au nom de Standard & Poor's mais les autres agences doivent penser de même.

Nous avons toujours été extrêmement prudents pendant les cycles de croissance économique. Les marchés ont permis à tout les pays de la zone euro, à ses débuts, d'emprunter au même cours. Nos notes étaient au contraire différenciées. En ces temps de crise, nous sommes en revanche moins pessimistes. Nous pensons qu'il existe beaucoup plus de résilience en Europe que ce que croient les marchés. Dire que les notations sont procycliques n'est ni vrai, ni juste. S'il était prouvé que les marchés suivent les notations, on n'aurait pas connu l'exubérance et le désespoir auxquels on assiste aujourd'hui. Je pense qu'on aurait été face à un environnement de marché beaucoup plus stable. C'est pourquoi nous pensons que les notations sont utiles et pertinentes. Elles permettent de solidifier le comportement du marché mais en cas de véritable crise de confiance, les personnes ont un comportement moins rationnel. Ils tablent sur la peur, sont moins factuels et agissent sur la base des sentiments.

Nous avons essuyé beaucoup de critiques lorsqu'on a abaissé la notation de la Grèce. Le marché n'avait plus rien à proposer, les spreads ont augmenté, c'est vrai mais aujourd'hui, avec le recul, qui pourrait dire que nous avons pris une décision trop rapide ? La Grèce a fait défaut. Nous avons une notation triple C (CCC) qui signifie que nous pensons que la Grèce va encore une fois faire défaut. Sur la base des faits, avec le recul, on voit que nous avons eu raison alors qu'à l'époque, la décision était critiquée. Il ne faut pas sous-estimer les participants au marché et la façon dont ils réagissent. Ils ne suivent pas simplement les communiqués et les recommandations des agences de notation. Ils prennent en compte des facteurs qui ne correspondent pas en tout avec ce que nous pensons et disons. A long terme, cela fonctionne mais, à court terme, il peut y avoir beaucoup de volatilité. Quand le marché monte ou descend, c'est de façon incrémentale, petit à petit. En tant qu'observateur lambda, vous n'avez pas remarqué qu'en l'espace d'un an, le marché a dégradé la France de quatre ou cinq crans. Quand Standard & Poor's le fait, cela se fait en une seule fois et cela fait la une des journaux.

J'encourage les gens à étudier le niveau de rotation : la France, les Etats-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne ont des notations très élevées, avec fort peu de probabilité de défaut. Oui, les notations ont été abaissées mais ce n'est pas pour autant qu'il s'agit d'un cycle : il existe un véritable changement dans la structure des économies.

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