Intervention de Mathias Vicherat

Commission d'enquête Cabinets de conseil — Réunion du 9 février 2022 à 16h30
Audition des écoles du service public autour de Mm. Laurent Chambaud directeur de l'école des hautes études en santé publique ehesp éric labaye président de l'école polytechnique Mme Maryvonne Le brignonen directrice de l'institut national du service public insp et M. Mathias Vicherat directeur de sciences po paris

Mathias Vicherat, directeur de Sciences Po Paris :

Ce sujet est important pour Sciences Po à plusieurs titres.

Tout d'abord, Sciences Po, établissement public mais adossé à une fondation privée, a un recours réduit aux cabinets de conseil. Nous avons en effet dépensé 1,4 million d'euros sur dix ans en matière de conseil, en grande partie pour des activités que l'on peut considérer comme entrant dans le champ concurrentiel, notamment la formation continue. Nous avons ainsi eu recours à EY au sujet du business model de la formation continue à Sciences Po.

Par ailleurs, la chaire « Gouvernance digitale et souveraineté » fait l'objet d'un partenariat avec un cabinet de conseil, Sopra Steria.

En revanche, les cabinets de conseil représentent un débouché important à Sciences Po, de l'ordre de 16 % des diplômés. Je rappelle que Sciences Po compte environ 2 400 diplômés par an, chiffre plutôt stable depuis cinq ans.

Il est intéressant de noter que, si l'on a enregistré une baisse des débouchés dans le secteur privé, ils ont augmenté dans le secteur public : cinq points en trois ans dans les cabinets de conseil public pour notre école d'affaires publiques.

Je ne pense pas que ce soit lié à un manque d'attractivité de la fonction publique ou de la haute fonction publique. Sciences Po prépare et forme à beaucoup de concours de la fonction publique. Dans le dernier concours d'entrée à l'ENA, 76 % des élèves venaient de Sciences Po et, malgré la suppression de l'accès direct aux grands corps, on ne constate pas de manque d'intérêt pour la fonction publique - en tout cas vu de notre fenêtre.

Cependant - et c'est un élément important, notamment dans les enquêtes que nous menons auprès des jeunes diplômés -, le cabinet apparaît assez fréquemment comme une option de rang B, pour des étudiants qui n'ont pas réussi les concours et souhaitent travailler pour le secteur public à travers des cabinets de conseil. Il n'est pas rare, dans nos enquêtes, que certains diplômés indiquent travailler dans le secteur public, alors même qu'ils travaillent pour un cabinet de conseil.

S'agissant des débouchés, les principaux cabinets sont EY, Accenture, BearingPoint, Capgemini, KPMG et McKinsey.

Sciences Po recourt peu aux cabinets, car nous internalisons beaucoup l'expertise. Nous avons toute une série de centres et d'écoles capables de nous fournir celles dont nous avons besoin.

Nous avons ainsi lancé une grande consultation de tous les salariés de Sciences Po, la première depuis dix ans, en nous appuyant sur le Centre de sociologie des organisations (CSO) de Sciences Po plutôt que de recourir à un prestataire externe.

Sciences Po entend concurrencer, voire prendre la place de toute une série de cabinets de conseil dans le secteur public. Nous en avons l'expertise, puisque de nombreux laboratoires ou centres travaillent déjà pour des ministères, des administrations, des collectivités locales, notamment le Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), qui a déjà travaillé avec l'Assemblée nationale, la direction de l'évaluation de la perspective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ou le CSO - qui travaille avec le ministère des armées, l'Assurance maladie et sur un projet concernant les risques volcaniques, dans le cadre d'une réforme du plan Orsec.

Nous avons également, à travers le Centre de recherches sur les relations internationales (CERI), un partenariat avec le ministère des armées, l'Observatoire stratégique de l'Amérique latine et l'Observatoire national du religieux.

Des enquêtes sont menées par le Cevipof pour le compte du ministère de l'intérieur au moment des élections.

Nous avons donc toute une série de prestations et d'expertise internes que nous souhaitons développer au bénéfice du secteur public, en concurrence directe avec beaucoup de cabinets de conseil, par rapport à qui nous sommes moins chers et plus performants.

Enfin, pour développer cette politique, nous souhaitons être plus visibles, plus connus et mieux reconnus par les acteurs du secteur public. Nous avons d'ores et déjà des discussions avec la directive de l'INSP sur des offres de formation initiale et continue, y compris dans le domaine doctoral, et nous développons de manière très proactive toute une série d'offres et de prestations au bénéfice du secteur public.

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