Je compléterai en soulignant la difficulté qu'il y a à alerter. Nous allons alerter en interne dans nos administrations, mais vous savez comme moi comment cela se passe avec la presse... Malheureusement, il faut créer un rapport de force si l'on veut un changement au niveau politique. Si l'histoire n'intéresse pas la presse, elle ne sera pas traitée. Nous allons peut-être parler d'un marché à seulement 60 000 euros mais si ce n'est pas le bon moment pour produire un article et faire éclater un scandale... Et, en plus, on va nous dire que, 60 000 euros, ce n'est pas assez. Personne ne nous écoute !
Je peux en revanche vous citer deux exemples où la presse s'est emparée du sujet.
Le premier est le logiciel Louvois, qui gérait la paie des militaires. Il y a eu des drames humains derrière ! L'absence de solde entraînait la perte de la mutuelle du militaire et de sa famille, qui ne mangeait plus à la fin du mois. Je reprendrais une phrase du ministre de l'époque, qui avait dit qu'il fallait « enterrer » ce système face à ce désastre. Il avait coûté 130 millions d'euros sur dix ans ! Cela a coûté cher, avec l'intervention d'un cabinet de conseil.
Autre exemple, l'Office National de la Paye (ONP) : sous-traité à une société privée, il a coûté 235 millions d'euros et a viré au fiasco. Et on nous demandait de rajouter encore 6 millions d'euros supplémentaires par an sur dix ans ! Les syndicats l'ont dénoncé et ce scandale est paru dans la presse.
Avec les scandales, nous arrivons à faire bouger les lignes de front parce que la presse nous écoute, car nous ne sommes pas nécessairement écoutés en interne par l'administration. En revanche, quand il ne s'agit pas de scandales, qu'il n'y a pas d'implications politiques, cela n'intéresse personne.
L'idée de créer un corps d'inspection pour surveiller tous ces marchés de conseil est une très bonne chose car nous nous crions dans le désert s'il n'y a personne en face pour nous répondre.
C'est pour cela que nous considérons qu'il est important que nous soyons auditionnés par cette commission d'enquête pour être entendus sur ces questions.