Intervention de Guy Fischer

Réunion du 30 juin 2011 à 23h00
Réforme de l'hôpital — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

… et sur laquelle M. le rapporteur a déposé un nombre important d’amendements en commission, ne correspond pas, nous semble-t-il, aux exigences de nos concitoyens, qui, vous le savez toutes et tous, attendent des réponses concrètes sur des questions essentielles.

Au regard des amendements qui ont été déposés sur cette proposition de loi, soit en séance publique soit en commission, je souhaite consacrer l’intégralité du temps de parole dont je dispose à deux sujets qui me paraissent essentiels.

J’évoquerai tout d’abord la question ô combien importante de l’accès aux soins.

En première lecture, nous avons eu un réel point de divergence avec la majorité sénatoriale et le Gouvernement sur le respect des tarifs opposables.

Pour notre part, nous réprouvons la logique que vous défendez, car elle revient à poursuivre dans la voie des politiques incitatives, reposant sur la volonté, voire sur le bon vouloir, des professionnels de santé. C’est dans cet esprit que vous avez supprimé les deux dispositions adoptées à l’occasion de l’examen du projet de loi HPST, à savoir le contrat santé solidarité et l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences à l’agence régionale de santé.

Ces deux mesures étaient sans doute assez peu opérationnelles ; nous ne les avions d’ailleurs pas votées. Mais si vous les avez supprimées, c’est moins pour leur inefficacité prévisible que pour satisfaire les médecins libéraux et leurs syndicats. J’en veux pour preuve le cadre symbolique de l’annonce de cette mesure, en l’occurrence en plein congrès des médecins généralistes à Nice… D’ailleurs, il n’aura échappé à personne que vous ne proposez aucune mesure de remplacement ou de substitution.

Ainsi, malgré l’adoption de cette loi, comme de la loi précédente, les patients demeureront bien seuls face à des déserts médicaux qui ne cessent de gagner du terrain, tout comme ils sont seuls face aux dépassements d’honoraires.

Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de 2007 – vous voyez que le phénomène n’est pas nouveau –, les dépassements d’honoraires représentaient 2 milliards d’euros sur les 18 milliards correspondant au total des honoraires. Ce rapport précisait que les deux tiers de ces dépassements étaient directement supportés par les ménages.

La situation est telle qu’elle risque, à terme, d’entraîner des modifications importantes dans notre système de santé, avec par exemple l’émergence d’un secteur optionnel. Nous y sommes opposés, car nous redoutons que cela n’ait pour effet de vider totalement le secteur 1. Sur dix ans, les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes ont, en moyenne, augmenté de 6, 4 % par an.

C’est donc une situation gravissime, au point que Frédéric van Roekeghem déclarait le 18 mai dernier : « Ce système dure depuis trente ans et ne fait que dériver. Il faut y mettre un terme ! » Nous regrettons sincèrement que vous ne l’ayez pas entendu.

Pourtant, les restes à charge supportés par les assurés sont colossaux et ne font qu’augmenter. Selon la Mutualité française, un médecin sur quatre exerçant en secteur 2 facture des dépassements d’honoraires en complément des tarifs de base de la sécurité sociale. Le montant moyen des dépassements facturés par les spécialistes représente 54 % des tarifs de la sécurité sociale en 2010, contre 25 % en 1990.

Votre inaction en la matière est encore plus grave si l’on se projette dans le futur. Les jeunes médecins sont de plus en plus intéressés par le secteur 2. Dominique Polton, directrice de la stratégie, des études et des statistiques à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, précise d’ailleurs : « Les jeunes médecins s’installent massivement en secteur 2. Ce dynamisme d’installation conduit à un accroissement des dépassements d’honoraires. »

Il y avait donc urgence à agir, et vous vous y êtes refusé, contraignant les patients les plus modestes à renoncer ou à différer des soins qu’ils jugent, parfois à tort, non urgents.

Un article récent du journal Libération donne ainsi la parole à Patricia Medina, sociologue à l’observatoire régional de la santé Rhône-Alpes, que je connais bien. Selon elle, les patients mettent en place de véritables techniques de contournement pour ne plus avoir à assumer des dépassements d’honoraires. Elle explique ainsi : « De plus en plus de patients modestes s’adressent à leur généraliste, par exemple pour la pédiatrie ou la gynécologie, plutôt que d’aller voir des spécialistes qui leur coûteront plus cher. » D’autres font l’impasse sur les soins qu’ils considèrent comme « non vitaux ».

Non content de ne pas agir, vous avez également fait le choix de faire bénéficier les maisons de santé de fonds publics, au titre des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, sans aucune contrepartie. Ainsi, bien que ne pratiquant pas le tiers payant et ne respectant pas les tarifs opposables, elles pourront bénéficier de subventions publiques, ce qui est naturellement scandaleux, en particulier à l’heure où vous tentez de faire adopter par la loi organique constitutionnalisant l’hyper-austérité.

Je voulais également aborder la question de la biologie médicale, sur laquelle je conclurai.

Sous le poids de l’Europe libérale, les laboratoires de proximité, c'est-à-dire ceux que nos concitoyens connaissent bien, sont appelés à fermer un à un, un peu comme vous avez fait ou tenté de faire fermer les hôpitaux de proximité.

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