Concernant le point de la rémunération, je n'engage que ma propre personne, l'Assemblée générale du Conseil d'État ne s'étant pas prononcée sur ce sujet. Je relève qu'une enquête du CNOSF avait montré, il y a quelques années, que la moitié des fédérations avaient prévu la possibilité de rémunérer un ou plusieurs de leurs dirigeants, comme le leur permettaient les textes. Dans les faits, un tiers des fédérations avait réellement mis en oeuvre un dispositif de rémunération. La situation est donc extrêmement variable, les moyens et organisations des fédérations sont très inégaux et disparates.
Sur ce point de la publication des rémunérations les plus importantes, j'évoquerai la loi de transformation de la fonction publique de 2019 qui prévoit la publication de la somme des dix rémunérations les plus élevées de chacune des entités concernées, collectivités et administrations, afin de préserver l'anonymat. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a rappelé, à l'occasion des lois relatives à la transparence de la vie publique en 2013, les limites à la publication de certains éléments liés aux déclarations d'intérêts et d'activités, qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Qu'en est-il des dirigeants de fédération qui exercent des fonctions électives et non des fonctions publiques administratives ? Cette question mérite un examen en soi. De façon générale, nous étions surtout attachés à la prise en charge, par le mouvement sportif lui-même, de cette question de gouvernance éthique et de déontologie, que nous devons encourager. Rappelons qu'une loi de 2017 a prévu que toutes les fédérations délégataires se dotent d'un comité d'éthique et de déontologie. Or, selon le rapport sur la nouvelle gouvernance du sport rédigé en 2018 par Patrick Bayeux et Laurence Lefèvre, seulement un cinquième des fédérations avait mis en place un tel comité à cette date. Ainsi, il y a certes la question des rémunérations, mais aussi bien d'autres questions que les fédérations doivent prendre en compte pour améliorer leur gouvernance.
Pour répondre à votre question plus technique de la soumission des fédérations au code des marchés publics, je me permets de rentrer dans une mécanique juridique. Nous touchons le sujet du pouvoir adjudicateur qui relève du droit européen. L'article L 1211-1 du code de la commande publique stipule en effet que si un organisme reçoit moins de 50 % de son financement de la part de l'État ou des collectivités territoriales et si ses membres ne sont pas nommés pour plus de la moitié d'entre eux par un pouvoir adjudicateur comme l'État, il reste deux conditions à remplir pour que cet organisme puisse être considéré comme un pouvoir adjudicateur. La première condition concerne son objet, qui doit satisfaire spécifiquement les besoins de l'intérêt général et donc avoir un caractère autre qu'industriel ou commercial. Il s'agit d'une condition difficile à cerner, qui a fait l'objet de nombreuses jurisprudences et qui renvoie à la diversité de situation des fédérations, qui sont d'abord des personnes morales de droit privé, relevant de la loi de 1901.
Le deuxième critère est celui du contrôle de gestion. Pour que les fédérations soient reconnues comme des pouvoirs adjudicateurs, il conviendrait que leur gestion soit soumise à un contrôle par le pouvoir adjudicateur principal, en l'espèce par l'État. En découle la question de la tutelle et du degré de dépendance entre le pouvoir adjudicateur et l'organisme. Et cette notion est, là encore, difficile à apprécier dans la mesure où nous tombons dans ce que nous appelons « les faux-semblants de la tutelle de l'État ». Le code du sport affirme que l'État exerce la tutelle des fédérations sportives, mais il rappelle aussi l'indépendance des fédérations sportives, personnes morales de droit privé. Néanmoins, on trouve des éléments d'un contrôle de gestion à l'annexe 1-5 de l'article R 131-3 du code qui cite les dispositions obligatoires devant figurer dans les statuts des fédérations. On retrouve la nécessité d'envoyer chaque année au ministère des sports des rapports financiers de gestion. Par ailleurs, la loi affirme la possibilité pour l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, de contrôler les fédérations agréées. Ainsi, il existe des éléments de contrôle de gestion. Pour autant faut-il asséner que toutes les fédérations devraient être regardées comme des pouvoirs adjudicateurs ? La question est compliquée. D'ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne considère que le contrôle a posteriori ne suffit pas nécessairement. Il faut d'autres conditions, comme un réel examen de gestion de la part du pouvoir adjudicateur principal, et le pouvoir d'influencer les décisions de l'organisme considéré.
Ainsi, comme le précisait Mme la présidente, on ne peut formuler de conclusion générale sur cette question ; la qualification de pouvoir adjudicateur résulte nécessairement d'une analyse au cas par cas.