Nous sommes très favorables à des dérogations générales spécifiques, lorsqu'elles répondent à des demandes sociales fortes. M. Lionel Jospin en avait accordé une pour des archives de la Seconde Guerre mondiale. Nous travaillons sur des dérogations générales spécifiques concernant les archives de la Seconde Guerre mondiale non encore communicables ; celles relatives aux grands travaux de la présidence de François Mitterrand ; ou encore celles du procès de Klaus Barbie, enregistré à des fins historiques. Nous nous efforçons de répondre ainsi aux demandes des historiens et à la demande sociale.
Qu'en est-il de la diffusion numérique ? Depuis quinze ans, nous avons, les collectivités territoriales et l'Etat, mené une politique délibérément volontariste de numérisation et de mise en ligne des archives publiques. Photos, cartes postales, se prêtent particulièrement bien à la numérisation, qui est un vecteur de démocratisation de la connaissance.
Cette politique a porté ses fruits : 300 millions de documents sont d'ores et déjà disponibles sur les sites Internet des archives nationales et départementales, plus de 2 milliards de pages sont lues annuellement, ce qui fait des archives les données culturelles les plus consultées en France. Les internautes, particulièrement les généalogistes, sont très friands des archives de l'état civil, mais aussi les registres de délibérations des communes - on apprend beaucoup sur l'histoire de leur commune en lisant les comptes rendus des délibérations des conseils municipaux. Il en est de même pour les archives photographiques, souvent méconnues, qui sont de précieux documents sur l'histoire sociale et patrimoniale de nos terroirs.
Actuellement, nous portons un grand projet avec les collectivités locales, notamment les départements : un mémorial électronique des 9 millions de combattants de la Première Guerre mondiale. Pour l'heure, le site « Mémoire des hommes » ne recense que les « morts pour la France ». Nous voudrions aller plus loin afin de reconstituer le parcours et les opérations de toutes les unités combattantes, donc de tout soldat. Le Président de la République y attache une grande importance, il l'a mis en exergue dans sa conférence de presse du 7 novembre 2013. Au moment où l'on parle de la Grande Guerre, l'enjeu est que chacun puisse retracer le parcours de guerre détaillé d'un aïeul, d'un collatéral, d'un proche. Cette base sera reliée avec les journaux de toutes les unités combattantes.
Tout cela serait impensable sans un partenariat fort, étroit et innovant, entre l'Etat et les départements.
A cet égard, il nous revient d'assurer la sécurité juridique des projets, notamment en instruisant les demandes auprès de la CNIL, et leur sécurité technique, notamment l'interopérabilité des données et le moissonnage des données. Administration centrale, nous avons également à coeur de soutenir financièrement les projets locaux et de garantir un accès équitable aux données sur tout le territoire, faire en sorte qu'aucun site départemental n'affiche une page blanche parce qu'il n'a pas eu les moyens de les mettre en ligne.
La première directive de 2003, telle que transposée dans notre droit national, restait floue s'agissant des données culturelles, en principe exclues de son champ, ne prévoyant que la possibilité de dérogations à ce droit commun. Cela a amené certaines collectivités à considérer qu'elles pouvaient opposer un refus à toute demande de réutilisation à titre commercial émanant d'une société privée. La CADA a considéré que seul un motif d'intérêt général pouvait justifier un tel refus, ce qui n'est guère plus précis. D'où des contentieux.
Espérons que la transposition de la prochaine directive lèvera toutes les ambiguïtés - à commencer pour la réutilisation des données personnelles, qui nécessite une autorisation de la CNIL. Il le faut car les collectivités territoriales, qui ont beaucoup investi depuis quinze ans en ce domaine, ont le sentiment d'être « siphonnées » par des sociétés privées à des fins commerciales. La transposition prochaine de la nouvelle directive est l'occasion d'y revenir pour trouver une solution pragmatique, concrète et durable. Nous sommes favorables à la réutilisation sous condition de licences précisant les conditions, notamment financières. En 2010, nous avons élaboré un règlement général encadrant le principe de cette réutilisation ; nous allons y retravailler avec Etalab.
Il faut aussi préciser le champ de ce que l'Union européenne désigne sous le vocable de documents administratifs, dont l'acception paraît plus large dans la directive qu'en droit français. En effet, quid des archives privées, qui sont nombreuses dans nos services, car elles font l'objet de dations ? Il conviendra de le préciser à l'occasion de la transposition de la nouvelle directive afin d'éviter des contentieux.