Intervention de Catharina Sikow-Magny

Commission des affaires économiques — Réunion du 1er décembre 2022 à 9h00
Énergie climat transports — « le marché de l'électricité dans l'union européenne : quelle réforme ? » - audition

Catharina Sikow-Magny, directrice Transition verte et intégration du système énergétique à la direction générale de l'énergie de la Commission européenne :

Les termes de crise, d'urgence, de réforme sont très utilisés aujourd'hui.

En effet, le secteur de l'énergie est aujourd'hui fortement bouleversé par plusieurs facteurs, comme nous l'avons entendu : retour de la croissance post-Covid, perturbations de la chaîne d'approvisionnement, été très sec affectant la production hydroénergétique, indisponibilité du nucléaire, aussi bien en France qu'en Finlande et, bien sûr, guerre en Ukraine, qui impacte fortement le marché du gaz et, par ricochet, celui de l'électricité. Les prix ont augmenté et l'approvisionnement en énergie semble menacé cet hiver.

Ces défis se font sentir dans l'ensemble de l'Union européenne, et une réponse rapide et coordonnée à cette échelle est nécessaire. Les mesures nationales différentes qui impactent le fonctionnement des marchés peuvent donc avoir une incidence négative sur la sécurité.

En octobre, à la suite de la proposition de la Commission européenne, le Conseil a adopté un règlement relatif à une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie. Ce règlement temporaire, qui s'applique à partir d'aujourd'hui, vise à réduire la demande d'électricité et à atténuer les prix élevés de l'énergie, ceci via l'introduction d'un plafond applicable aux revenus inframarginaux de 180 euros, d'une contribution de solidarité sur les bénéfices excédentaires des secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et des raffineries, et d'une redistribution de ces revenus pour soutenir les consommateurs finaux, aussi bien les ménages que les entreprises.

Ces mesures contribueront à rendre l'électricité plus abordable, et constituent un premier pas vers les travaux complémentaires en cours qui tendent à améliorer l'organisation à long terme du marché de l'électricité.

En effet, la crise que nous traversons rend d'autant plus urgente la nécessité de décarboner et d'accélérer l'utilisation de sources d'énergie renouvelables et à faible émission de carbone. C'est la clé du découplage. Lorsqu'une grande partie de l'électricité ne proviendra plus des énergies fossiles ou du gaz, nous l'aurons atteint.

À côté de ces mesures d'urgence, la Commission poursuit ses travaux sur l'optimisation du fonctionnement du marché européen.

Le marché de l'électricité a prouvé durant ces dernières décennies son efficacité en matière de fourniture fiable et de prix bas. Les discussions se sont d'ailleurs focalisées sur le problème des revenus trop bas des producteurs - en anglais, on utilise le terme de « missing money ». Aujourd'hui, on constate que la France, l'un des grands exportateurs d'électricité au niveau européen, est devenue un pays importateur, grâce au marché de l'Union européenne et au découplage des marchés nationaux.

Entre-temps, la crise énergétique, dont nous connaissons tous l'ampleur, a révélé d'autres questions qui méritent d'être abordées, en complément et en relais des mesures d'urgence.

Cette réforme, envisagée pour le début de l'année 2023, et sur laquelle nous réfléchissons aujourd'hui, devra être ciblée afin de pouvoir être mise en oeuvre rapidement. Cette réforme pourrait se concentrer sur quatre aspects.

Premièrement, les producteurs d'énergie renouvelable, mais aussi nucléaire, doivent bénéficier d'un revenu prévisible, stable, afin d'encourager les investissements nécessaires, y compris en matière de flexibilité. Cela permettrait aussi de stabiliser les prix et d'éviter une trop forte volatilité pour le consommateur. L'amélioration de la liquidité des marchés à terme est un élément clé, ainsi que la contractualisation des nouveaux projets d'énergie via des contrats stables. Les intervenants précédents ont déjà mentionné les contrats pour différence et les PPA, deux outils très utiles.

Deuxièmement, la réforme devrait contribuer à dissocier autant que possible les factures d'électricité des ménages et des entreprises des prix du gaz. Les contrats pour différence et les PPA contribuent certainement à cet objectif, mais il existe d'autres pistes, que nous étudions actuellement.

Troisièmement, il est important de préserver une utilisation efficace des ressources à travers l'Europe, afin de garantir que l'électricité nécessaire est toujours produite par la technologie la moins chère disponible et que l'offre et la demande sont maintenues en équilibre à tout moment. Il est cependant important de développer davantage la flexibilité, et notamment les effacements de consommation et le stockage. Ceci pourrait avoir un impact direct sur la consommation de gaz, ainsi que sur le prix de l'électricité.

Enfin, les consommateurs doivent être mieux protégés. Ils devraient disposer d'un éventail d'offres, y compris des contrats à prix fixe, de davantage de possibilités d'investir directement dans la production d'énergies renouvelables pour leur propre usage et de plus de possibilités de participation active sur le marché. La protection des consommateurs vulnérables est particulièrement importante, et nous sommes en train d'analyser comment définir une consommation minimum qui devrait être garantie à tout consommateur à un prix abordable.

Dans ce cadre, et plus généralement, nous devons être sûrs que le marché fonctionne d'une manière transparente et qu'il existe une surveillance quotidienne. Nous sommes également en train d'étudier comment améliorer le règlement pour la transparence et la surveillance (REMIT).

En conclusion, la première étape consistera pour la Commission européenne à publier un document de consultation avant Noël. Nous attendons avec grand intérêt les contributions françaises et autres. Nous avons aussi travaillé sur un document de travail qui explique les choix de la Commission, avant de présenter une proposition législative, début 2023. La date n'a pas été fixée, mais ce sera certainement avant le Conseil européen qui aura lieu dans la deuxième moitié du mois de mars.

En fonction des colégislateurs, de telles modifications ciblées de l'organisation des marchés peuvent être proposées et mises en oeuvre rapidement. Elles apporteraient une solution permanente à la dépendance excessive des factures d'électricité européennes au marché du gaz naturel, hautement volatile aujourd'hui, et fourniraient aux consommateurs des avantages grâce à des coûts plus bas des énergies renouvelables et de l'énergie nucléaire, en fonction de leur part dans le bouquet électrique.

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