Intervention de Ludovic Frère Escoffier

Mission d'information Fonds marins — Réunion du 22 février 2022 à 17h00
Audition de Mm. François Chartier chargé de campagne océan et pétrole de greenpeace france et ludovic frère escoffier responsable du programme vie des océans de wwf

Ludovic Frère Escoffier, responsable du Programme Vie des océans de WWF France :

Je vous ferai part de la position du réseau international du WWF, qui fait partie lui-même d'une coalition d'ONG, la Deep sea coalition, au même titre que Greenpeace et Bloom. Il est important de savoir que ces organisations sont collectivement favorables à un moratoire. Je baserai mon propos sur les questions qui nous ont été adressées.

Concernant l'action publique en faveur des grands fonds, nous avons été consultés dans le cadre de la mission conduite par Jean-Louis Levet. La stratégie nationale d'exploration et d'exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins invite à un certain doute. Lorsque l'on écoute les propositions du président Macron dans le cadre de France 2030, il est question d'exploration, mais si l'on fait référence à la stratégie nationale, on voit bien qu'il y a derrière la question de l'exploitation. Ces deux sujets sont liés. C'est pourquoi la Conférence de l'UICN a proposé en septembre un moratoire sur les licences d'exploration et d'exploitation. L'État français en fait partie mais s'est abstenu. Dès le départ, une certaine confusion a été apportée par l'intitulé de cette stratégie. Cette confusion n'a pas été levée par les propos du président de la République.

Concernant la gouvernance qui est proposée autour de cette stratégie d'exploitation des ressources minérales profondes, WWF demande, avec d'autres ONG, la mise en place d'un groupe de travail de type « Grenelle » pour continuer de réfléchir sur les conditions d'un moratoire sur l'exploitation. Le Grenelle de la mer a ainsi eu pour particularité de réunir aussi bien des entreprises que des scientifiques, le secteur associatif, les syndicats et l'État. Les points de vue sont certainement divergents, mais ils peuvent se rejoindre sur un point : la France peut-elle, l'année prochaine, porter un moratoire sur l'exploitation des fonds marins à l'Autorité internationale des fonds marins s'il existe un risque que l'exploitation se fasse dans de mauvaises conditions ?

Suite à la proposition de Nauru de ne pas attendre la fin de la réflexion sur le code minier, une exploitation pourra être mise en place de facto à partir de 2023. C'est peut-être le moment pour l'État français de pousser au niveau européen et au niveau international l'idée d'un moratoire sur l'exploitation des ressources marines profondes.

Concernant la réflexion sur l'exploration des grands fonds marins, le WWF, en tant qu'organisation basée sur la science, n'est absolument pas opposé à l'exploration de l'écosystème marin, y compris en profondeur. Nous avons besoin de connaissances pour protéger la biodiversité et pour mieux connaître les capacités de stockage de carbone de l'océan. En revanche, le WWF demande un moratoire sur l'exploration visant une exploitation des ressources minérales profondes. Ce point est particulièrement important.

L'exploitation des grands fonds marins est-elle une obligation au vu des demandes de ressources minérales actuelles et à venir ? Nous souhaitons poser cette question. Un certain nombre d'études contredisent la nécessité de rechercher de nouvelles ressources minérales profondes. L'intelligence collective des entreprises et des États doit permettre d'aller vers davantage de circularité. Nous demandons également qu'il soit tenu compte des différentes innovations qui permettront d'utiliser moins de minéraux ou des minéraux différents, plus facilement utilisables. Un questionnement économique est nécessaire.

Il est assez facile de répondre à la question de la compétition avec d'autres pays dans la mesure où la demande est celle d'un moratoire porté par la France au sein de l'AIFM. Par définition, si le moratoire est acquis, il n'y aura pas de compétition.

Concernant le projet de démonstrateur, nous ne pouvons pas nous prononcer à ce stade. Nous sommes ouverts à une réflexion avec les différents acteurs afin de définir les conditions de ce démonstrateur.

Concernant le système international de l'AIFM, il y aurait beaucoup à dire. Cette organisation souffre de lacunes en termes de transparence ou de possibilités pour des non-contractants d'avoir accès à des communications. Des réformes sont nécessaires au niveau des différents votes qui sont mis en place. Nous avons mené une analyse point par point des manquements de cette autorité, qui est beaucoup plus axée sur l'exploration et l'exploitation que sur la protection de l'environnement. L'Autorité mène parfois des opérations conjointes avec des entreprises, ce qui ne relève pas de ses fonctions.

La France peut apporter sa réflexion sur les conditions d'un moratoire et agir grâce à son réseau diplomatique, qui est le troisième au niveau mondial, pour aller vers ce moratoire.

Un certain nombre d'acteurs institutionnels, de représentants de régions, de pays et de scientifiques se sont positionnés pour un moratoire. C'est le cas du Parlement européen, de la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité ou encore de Peter Thomson, Envoyé spécial des Nations unies pour l'océan. Des entreprises qui dépendent de ces ressources pensent aussi qu'il est possible d'aller vers un moratoire : Google, Volvo, ou encore Renault qui l'a annoncé lors du récent sommet de Brest.

Vous trouverez de nombreuses ressources sur notre site internet.

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