Intervention de Julien Denormandie

Mission d'information Enseignement agricole — Réunion du 30 juin 2021 à 16h35
Audition de M. Julien deNormandie ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Julien Denormandie, ministre :

Le Gouvernement y est, sachez-le, opposé. Ceci ne veut pas dire que nous n'avons pas des défis à affronter. Néanmoins, la spécificité d'un enseignement agricole dédié doit être préservée et consolidée. Ce positionnement est en tout point partagé par le ministre de l'éducation nationale. En témoigne cette feuille de route commune arrêtée en mai dernier ou encore la récente réunion des directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) et des recteurs pour mettre en avant la vision partagée et la fluidité nécessaire sur les territoires des liens unissant l'Éducation nationale et l'enseignement agricole. Aucun transfert n'est donc prévu.

Comment faire alors pour opérer la consolidation ambitionnée ?

La première des consolidations a trait à la dynamique au sein de notre enseignement agricole, c'est-à-dire au nombre d'apprenants. Ces dernières années, ce nombre est en diminution. Je suis très content de pouvoir vous informer aujourd'hui de l'augmentation constatée cette année. Nous avons en effet battu un record avec des effectifs qui sont passés de 193 000 à 197 000 entre 2020 et 2021 pour l'enseignement technique agricole, en y incluant les apprentis.

Cette dynamique doit néanmoins encore se consolider. Pour cela, une approche pragmatique doit être adoptée. Le premier axe est de convaincre les plus jeunes de faire le choix de cet enseignement. Sur ce point, un rôle accru de l'enseignement agricole, en lien avec l'Éducation nationale, est nécessaire dans le cadre du processus d'orientation. La feuille de route de mai vise justement à renforcer l'accompagnement sur l'orientation des jeunes entre recteurs et Draaf.

Le deuxième axe consiste à informer les parents sur la réalité de l'enseignement agricole, puisque dans de nombreux cas, ce n'est pas l'élève, seul, qui choisit. Nous allons ainsi lancer dès demain matin une grande campagne de communication sur les métiers du vivant pour en montrer toute la pertinence.

Le troisième volet a trait à la perception de l'enseignement agricole. Nous avons lancé une étude il y a quelques mois sur ce sujet, étude que je tiens à votre disposition. Si la qualité de cet enseignement est bien perçue, il y a une méconnaissance des métiers pouvant être exercés. L'enseignement agricole compte plus de 150 formations différentes. Aujourd'hui, dans les établissements, de nombreux élèves souhaitent faire du machinisme agricole, mais il y en a aussi de plus en plus qui veulent devenir vétérinaire, paysagiste ou se tourner vers la biologie ou encore les métiers de l'agroalimentaire. Y compris dans la dénomination même de l'enseignement agricole, les parents et les élèves ne perçoivent pas que le champ est beaucoup plus large et intègre l'ensemble des métiers du vivant et de la Terre. D'ailleurs, beaucoup de lycées et d'écoles ont dans leur dénomination ce terme du « vivant ». Cette réflexion est légitime, sans pour autant que la spécificité de l'enseignement agricole, qui est d'être un enseignement agricole spécifique non inclus dans l'Éducation nationale, n'en soit fragilisée. Il faut, pour cela, consolider le nombre d'apprenants, en soulignant que les formations dispensées dans ces enseignements embrassent les métiers du vivant et de la Terre.

Consolider l'enseignement agricole, c'est également consolider les forces de cet enseignement. Parmi ces forces, au-delà de sa spécificité, certains aspects restent méconnus. Je tenais en premier lieu à souligner l'incroyable innovation de ce secteur. Je pense que ce point doit être mis en avant, dans un contexte où notre jeunesse est très intéressée par l'innovation. Les métiers auxquels cet enseignement forme font sens - nourrir nos concitoyens, protéger notre environnement -, tout en étant particulièrement innovants. Une étude de 2017 montrait par exemple que la moitié des drones utilisés à des fins professionnelles ou économiques l'était par le monde agricole. Notre objectif est bien sûr, au sein de la DGER, de continuer à renforcer ce volet.

C'est, par ailleurs, un enseignement qui porte des valeurs de citoyenneté. Je souhaiterais, à cet égard, saluer le corps professoral et l'ensemble des directions pour leurs réactions suite à l'atroce attentat contre Samuel Paty. L'enseignement agricole a fait de la citoyenneté un élément majeur de son système éducatif.

Le troisième élément est le volet international. C'est un enseignement qui s'internationalise.

Enfin, ce sont les passerelles. Ces passerelles sont de plus en plus nombreuses entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur, avec dans plusieurs établissements des classes préparatoires. Je pense que ces passerelles sont très pertinentes, et la situation ne cesse d'évoluer, comme au sein de l'enseignement vétérinaire où nous avons ouvert il y a quelques semaines par décret les possibilités de candidatures.

La troisième consolidation, après celle du modèle et de la dynamisation des apprenants, est notre relation avec l'Éducation nationale. Il faut renforcer cette relation très importante, tout en conservant notre autonomie. La renforcer, ceci implique de nouer des relations de confiance avec l'Éducation nationale. C'est ce que nous faisons avec Jean-Michel Blanquer. Encore une fois, je voudrais le remercier personnellement, ainsi que toutes ses équipes. Cette relation passe par la feuille de route signée le 19 mai dernier, qui est totalement inédite en termes de relations institutionnelles et inclut de nombreux sujets, dont celui de l'orientation au sein de l'éducation généraliste. Lorsqu'on fait un test auprès des élèves de 4ème, 3ème voire plus tôt, au sein de l'enseignement général, et quand on évoque l'enseignement agricole, on se rend compte qu'ils n'ont pas toutes les informations nécessaires. Les recteurs et les Draaf doivent travailler main dans la main. Nous les avons réunis pour qu'ils nous présentent, territoire par territoire, les coopérations qu'ils avaient nouées. Si les efforts doivent être poursuivis, la dynamique au niveau des ministères et des administrations est en tout cas réelle. Je suis également totalement favorable à la mise en place de référents territoriaux. C'est d'ailleurs un sujet que nous avions abordé avec le ministre de l'éducation nationale.

La consolidation a enfin trait au maillage territorial. Je connais tout l'attachement du Sénat à cet aspect. C'est l'une des forces de l'enseignement agricole. Nous avons ainsi délocalisé un certain nombre de décisions au niveau des Draaf, notamment l'ouverture des différentes spécialités, pour nous adapter au plus près des territoires. Dans certains établissements, nous ne comptons pas assez d'apprenants, alors que l'Éducation nationale a parfois des classes surchargées. J'ajoute que, contrairement à ce qu'indiquait le président du Cneap, le président et ses équipes sont en lien constant avec mes équipes, mais je prends bonne note de la demande qu'il vous a formulée. J'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de m'exprimer sur l'enseignement public et l'enseignement privé, que ce soit dans l'enseignement agricole ou vétérinaire.

Enfin, s'agissant du volet budgétaire, j'ai bien conscience des défis en termes de schéma d'emplois. Nous avons des échanges sur le schéma d'emplois, en ce moment même, dans le cadre de la préparation de la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Concernant l'amendement évoqué, cette fois au projet de loi de finances rectificative pour 2021, les crédits annulés sont de 4,4 millions d'euros sur la réserve de précaution, c'est-à-dire que ce sont des crédits qui n'auraient de toute façon pas été utilisés, et qui, pour la plupart, étaient fléchés vers des dépenses non réalisées. Nous avions par exemple une surévaluation sur les tests de détection de covid-19. Concernant la gestion de la pandémie de covid-19, nous nous sommes effectivement beaucoup appuyés sur l'Éducation nationale - personne n'aurait compris l'inverse -, tout en tenant compte des spécificités de l'enseignement agricole, notamment de la présence de nombreux internats. Nous ne savions pas, il y a un an, comment la covid-19 allait se diffuser dans les internats. Des précautions spécifiques avaient été mises en place. En réalité, il y a eu moins de cas, du fait sans doute d'un moindre mélange de populations, notamment lors des soirées étudiantes.

Le même PLFR inclut pour plus de 350 millions d'euros de financement des mesures face aux crises agricoles. Au cours de l'année, nous avons octroyé 10,2 millions d'euros pour l'enseignement agricole sur la partie « exploitations agricoles », qui est l'une des spécificités de notre modèle. Beaucoup de ces établissements agricoles ont, en effet, vu leur modèle agricole mis à mal par la crise de la covid-19 du fait de l'impact sur les ventes directes.

Quant au budget 2022, il est en cours de discussion avec mon collègue de Bercy, Olivier Dussopt, afin de faire en sorte de répondre aux objectifs.

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