Intervention de Patrick Hefner

Mission d'information sur les toxicomanies — Réunion du 30 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de Mm. Patrick Hefner contrôleur général chef du pôle judiciaire « prévention et partenariat » bernard petit sous-directeur de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière à la direction générale de la police nationale le colonel pierre tabel adjoint du sous-directeur de la police judiciaire et le colonel marc de tarlé chef du bureau des affaires criminelles à la direction générale de la gendarmerie nationale

Patrick Hefner, contrôleur général, chef du pôle judiciaire « Prévention et partenariat » à la direction générale de la police nationale :

Le pôle dont j'ai la charge fait l'interface avec la direction centrale de la police judiciaire, plus particulièrement les services de M. Bernard Petit.

Parmi les structures périphériques qui apportent une aide essentielle à la lutte contre les stupéfiants, je mentionnerai tout d'abord celles qui sont destinées à l'impulsion et à la coordination.

La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie est chargée de la gestion des crédits interministériels et d'un fonds de concours alimenté par les saisies, ce qui motive les services et leur permet d'acheter des matériels performants pour lutter contre les trafics. Ainsi, pour l'exercice 2011, la police nationale pourra prétendre à 800 000 euros de crédits interministériels et à 7,160 millions d'euros de fonds de concours.

Le délégué national à la lutte contre le trafic de drogue, institué par un décret du 22 février 2011, a pour mission, en liaison avec la mission interministérielle, d'animer le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies, esquissé en 2009.

Composée d'un commissaire divisionnaire et d'un commandant de police, la Mission de lutte anti-drogue prépare les actions du ministère en matière de prévention et d'information du public et propose les stratégies qu'il convient d'adopter aux plans national et international afin d'éclairer tant le directeur général de la police nationale que le ministre.

Quel que soit le niveau des affaires, nous devons impérativement être renseignés, le trafic de stupéfiants étant, par définition, une infraction occulte. Pour cela, nous disposons de structures internationales et nationales.

Je citerai d'abord les officiers de liaison à l'international, dont la structure la plus développée se trouve en Espagne (Madrid, Malaga, Barcelone et Alicante), ce pays étant, notamment en matière de cannabis, la plaque tournante du système d'alimentation français.

Les attachés de sécurité intérieure peuvent également être sollicités en fonction des besoins.

Le Centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants, implanté à Lisbonne, auquel participent sept pays de l'Union européenne (France, Irlande, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Portugal et Pays-Bas) avec un pays observateur, le Maroc, a pour objectif la répression du trafic illicite dans l'Atlantique. Depuis sa création, le 1er juillet 2007, il a permis de faire aboutir deux cent trente dossiers, de saisir 45 tonnes de cocaïne et 37 tonnes de cannabis, et de procéder à vingt-neuf saisies maritimes, ce qui n'est pas négligeable.

Le Centre de coordination pour la lutte anti-drogue en Méditerranée, dont l'objectif principal est la lutte contre le trafic illicite en Méditerranée, a quelque difficulté à se positionner du fait de la conjoncture actuelle dans cette zone et de la défection de certains de nos partenaires, notamment l'Italie et la Grèce. Pour autant, son activité n'est pas négligeable puisque 3,7 tonnes de cannabis et 400 kilogrammes de cocaïne ont été saisis.

Au plan national, un de nos gros soucis est de recenser le renseignement, de l'analyser, de le finaliser et de le restituer aux services de police et de gendarmerie, les structures étant généralement mixtes.

Le service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique de la criminalité organisée s'est substitué à l'unité de coordination et de recherches anti-mafia. Ses actions recouvrent largement, sans les traiter exclusivement, les aspects liés aux stupéfiants.

La division du renseignement et de la stratégie, créée le 1er septembre 2010, relève d'une des préconisations du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies.

J'en viens aux structures qui « épousent » et répriment la sphère des avoirs criminels. Négliger les avoirs criminels accumulés par les trafiquants, c'est leur permettre de jouir en toute quiétude de sommes importantes à leur sortie de détention. Épouser les aspects des avoirs criminels a donc constitué une révolution culturelle dans les services de police et de gendarmerie. Le trafic de stupéfiants est extrêmement rémunérateur. Deux exemples : 900 000 euros ont été retrouvés dans une cage d'escalier à Villepinte ; des actes authentiques attestant d'acquisitions immobilières dans les Émirats arabes Unis ont été découverts dans la selle d'un scooter sur lequel se trouvaient deux personnes impliquées dans un trafic de stupéfiants dans une cité de l'Est parisien. Le chiffre d'affaires du trafic de cannabis en France est estimé à 1 milliard d'euros, ce qui suscite bien des convoitises.

Nous nous sommes aperçus que les trafiquants s'adaptent. Ils sont, par exemple, rarement propriétaires du véhicule de luxe qu'ils utilisent, ayant plutôt créé une société à responsabilité limitée qui le loue au Luxembourg ou en Allemagne. Il est donc très important de nous adapter à ces évolutions.

Une fois les stupéfiants saisis, l'affaire ne fait que commencer, car il est essentiel de rechercher tous les avoirs criminels accumulés. Plusieurs outils nous le permettent.

Les organismes bancaires pour l'essentiel, mais aussi les notaires, signalent des dépôts en espèces douteux et des comptes au fonctionnement atypique au service d'enquête TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), créé en 1990.

Créés en 2004, les groupements d'intervention régionaux consacrent plus de la moitié de leur activité à mettre en évidence les avoirs criminels résultant du trafic de stupéfiants. Depuis leur création, 6 000 opérations ont été recensées, ainsi que 35 000 gardes à vue dont plus de 8 200 ont été suivies de mises sous écrou ; 2 819 véhicules ont été saisis, ainsi que 166 millions d'euros de numéraires, de valeurs mobilières et immobilières ; et 6 136 vérifications fiscales ont été proposées.

Service très pointu, la plate-forme d'identification des avoirs criminels s'est livrée à un travail de bénédictin en recherchant, au travers des conventions bilatérales, le moyen de procéder à des saisies bancaires et immobilières. Les informations très précises qu'elle a fournies nous ont permis, par chancelleries interposées, de procéder à des saisies à l'étranger, par exemple en Thaïlande et dans la péninsule arabique.

Créée par la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués alimente le fonds de concours et gère tous les fonds et produits saisis et confisqués. Placée sous l'autorité d'un magistrat, c'est une structure mixte qui compte également des gendarmes et des agents du domaine, du fisc et des douanes.

Une structure nouvelle constituée de cinquante-trois agents de la direction générale des finances publiques est dédiée à quarante-trois quartiers « sensibles » dans dix-huit départements. Sa mission principale est de mettre en évidence, grâce aux services de police et de gendarmerie, les activités lucratives non déclarées. En un an et trois mois d'existence, elle a permis de procéder à 3 438 contrôles et à des redressements de droits et pénalités à hauteur de 1,150 million d'euros.

Enfin, en autorisant la taxation des saisies et des éléments du train de vie, la loi de finances rectificative pour 2009 permet à l'administration fiscale d'imposer toute personne trouvée en possession de stupéfiants.

S'agissant enfin des structures de formation et d'information à destination du public, je ne parlerai que des policiers formateurs anti-drogue : deux cent soixante-sept de ces cinq cent douze fonctionnaires sont dédiés à l'information des parents d'élèves, des élèves et des enseignants dans les collèges et les lycées. En 2010, notre auditoire a été de 112 542 personnes. L'information dispensée est très prisée des parents qui découvrent le monde des stupéfiants. Le savoir unanimement reconnu de ces fonctionnaires est également très apprécié à l'étranger.

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