Intervention de Paul Jorion

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 27 mars 2012 : 1ère réunion
Table ronde sur la pertinence du modèle et de la méthodologie des agences de notation

Paul Jorion, ancien trader, chroniqueur au Monde-Économie :

docteur en sciences sociales, ancien trader, chroniqueur au Monde-Économie. - Sur la base de mon expérience au sein des entreprises clientes des agences ainsi que de banques californiennes émettrices de prêts hypothécaires, j'estime particulièrement difficile la tâche des agences -prévoir un risque de crédit associé à un instrument de dette- ce qui suppose une connaissance de l'avenir fondée sur le comportement de l'émetteur, alors même que les modèles utilisés sont de très mauvaise qualité, bien qu'acceptés dans la mesure où il n'en est pas de meilleurs. Pour certains instruments, on ne connaît pas de meilleure méthode que l'observation historique d'instruments comparables dans des circonstances similaires, tandis que les effets non linéaires sont difficiles à prévoir et que, pour certains produits comme les CDO, les méthodes utilisées n'offrent aucune robustesse. On ne peut se contenter de multiplier par quatre ou cinq le dernier risque observé...

Tout ceci, les agences le savent. On peut même assister, comme lors de la crise des start-up, à un effet boule de neige ou de prophétie autoréalisatrice, après que la détérioration de la notation d'Enron par une des agences a été intégrée par les autres comme facteur d'appréciation du risque.

La crise des subprimes a mis en lumière le fait qu'en tant qu'entreprises privées cherchant à accroître leur chiffre d'affaires, leur bénéfice et leur part de marché, les agences ont pu accepter de noter des produits pour lesquels elles savaient qu'aucune méthode ne s'appliquait. Les choses ont toutefois changé, Standard & Poor's ayant récemment refusé de noter un instrument de dette émis par General Motors -ce qui normalement aurait dû tuer le marché ; mais le gouvernement américain a, pour des raisons politiques, apporté sa garantie... Si la soumission à la logique de marchés a des effets délétères, la création d'agences publiques en aurait de pervers si les Etats font prévaloir des considérations de politique intérieure.

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