Intervention de Adrian Blundell-Wignall

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 27 mars 2012 : 1ère réunion
Table ronde sur la pertinence du modèle et de la méthodologie des agences de notation

Adrian Blundell-Wignall, directeur-adjoint de la direction des affaires financières et des entreprises, conseiller spécial en charge des marchés financiers au cabinet du secrétaire général de l'OCDE :

Mes diverses expériences m'ayant permis d'aborder la question des agences de notation, à la fois du point de vue du secteur public et du secteur privé, il me semble aujourd'hui que celles-ci sont confrontées à cinq problèmes principaux.

Tout d'abord, il s'agit d'oligopoles naturels, du fait de la nécessité pour chaque agence de disposer d'une taille lui permettant d'évaluer plusieurs centaines de milliers d'émissions. Leurs notations sont utilisées par les organismes de tutelle, tels que le comité de Bâle ou la BCE, ainsi que dans les benchmarks des fonds d'investissement ou de pension. L'inflation des notes consécutives à l'arrivée de Fitch a d'ailleurs montré que l'arrivée d'un nouvel acteur de poids n'était pas sans poser de problèmes.

Ensuite, dans la mesure où il s'agit d'entreprises privées vendant un bien public, il est difficile d'éviter l'adoption de comportements opportunistes.

De plus, des conflits d'intérêts peuvent survenir dans la mesure où l'émetteur paye pour sa notation même si je n'estime pas, comme Paul Jorion, qu'il s'agisse de comportements délibérés. A quoi s'ajoute un manque de vigilance -on a pu noter un CDO assuré par un rehausseur de crédit sans se préoccuper de la qualité de ce dernier.

Se posent aussi des problèmes de méthodologie du fait notamment de l'existence de biais de linéarité, la prise en compte d'une centaine de facteurs aboutissant à noyer dans la masse ceux qui pourraient être décisifs à un instant donné.

Enfin, des questions se posent quant à la façon dont les notations sont utilisées par les marchés, la sous-estimation de la crise européenne en amont de celle-ci donnant ensuite lieu à des comportements d'accentuation du cycle. Notons toutefois qu'à propos de la dette souveraine de la Grèce, Standard & Poor's a surtout dégradé sa note entre mai et septembre 2011, soit avant l'augmentation du spread de taux avec l'Allemagne ; on peut considérer qu'elle a fait son travail quand il le fallait.

Si la loi américaine proscrit désormais toute référence aux notations dans la réglementation publique, demeure le problème des effets de seuil. En cas de dégradation d'un titre, les gestionnaires de fonds, du fait de leurs processus de benchmark, sont amenés à le vendre de façon massive. Pour y répondre, je recommande de mieux structurer le secteur. Les autorités de tutelle américaine et européenne ont déjà adopté des règlementations plus cohérentes et mieux coordonnées. Il conviendrait aussi de rendre publiques les notations passées, et de séparer, comme cela a été décidé en Europe et aux Etats-Unis, l'activité de notation de la vente de services annexes.

Ma recommandation principale est la création d'un nouveau modèle économique par la création d'une plateforme servant d'intermédiaire entre les émetteurs, qui verseraient une redevance sur la base d'un barème préétabli, et l'ensemble des agences, c'est à dire pas seulement les trois grandes, entre lesquelles le nouvel organisme répartirait les missions. Ceci devrait casser les liens malsains, générateurs de conflits d'intérêts.

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