Je souhaiterais revenir sur ce que disait M. le Président. Bien entendu, le rôle de l'école est d'aiguiser le sens critique, mais celui-ci s'aiguise par l'appropriation de connaissances.
Il a été question d'un enseignement des rouages de la démocratie et de nos institutions, mais, pour ce faire, il est nécessaire que la société prenne conscience du fait que l'école ne peut pas tout enseigner. Il faut une « critique scolaire de la société française » : se rappeler le devoir de l'école et oeuvrer à le préserver. On ne peut pas parler de tout.
Vous évoquiez, Madame la Sénatrice, la question de l'enseignement moral. Cette nouvelle appellation a soulevé des discussions en 2012 et 2013 et les difficultés à ce sujet n'ont pas été résolues. Il est très complexe de définir ce que nous entendons par morale civique. En 2012, nous avons voulu que ce soit un enseignement et non plus une instruction, ni une « éducation à », afin de redonner de la valeur à cet enseignement. Y sommes-nous parvenus ? Il ne me semble pas que ce soit le cas, tant le temps qui y est consacré reste modeste, celui-ci devenant la variable d'ajustement pour les enseignants, en fonction de leur niveau d'avancement sur le programme dans l'année.
Revenons sur la genèse de cet enseignement. Il est normal pour une République de proposer un enseignement civique. Cet enseignement était essentiel sous la Troisième République. Il était alors mené par les hussards de la République et pensé comme devant se déployer aussi de manière indirecte : les humanités avaient pour charge de dispenser cet enseignement civique. Aujourd'hui, la société française a changé depuis les années 1970 et 1980 ; on ne peut plus s'appuyer sur les voies d'un enseignement implicite et indirect pour créer cette adhésion à la République. D'où la décision de Jean-Pierre Chevènement de réintroduire l'enseignement civique en tant que tel. Notre devoir est de ne pas perdre de vue notre objectif d'aiguiser notre devoir à la République. Or, les manuels scolaires obéissent à une logique de déconstruction, à de l'éparpillement, avec peu de textes, peu d'idées et mises sur le même plan. Ils insistent sur le débat d'opinion et non sur la connaissance. Les éléments mis en valeur sont la démocratie participative, les discriminations, la liberté de moeurs et sexuelle, les droits des personnes homosexuelles, transgenres, les migrants, leurs droits...
Par ailleurs, les programmes ne sont pas tout : il y a ce qu'en font les professeurs, surtout quand ils laissent place à l'interprétation, et ce qu'en font les manuels scolaires.