Intervention de Yannick Vaugrenard

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe de Margerie président directeur général de total

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Je pense que Total a un rôle particulier à jouer, probablement à la fois dans l'économie française et au regard de l'exemplarité qui doit être la sienne, en particulier dans la période que nous traversons.

J'ai senti, monsieur le président directeur général, que vous étiez plutôt sur la défensive au début de votre intervention. Il arrive en effet fréquemment que votre groupe soit fustigé ou attaqué dans la presse ou, tout simplement, par le commun des mortels.

Pourquoi ? La question doit être posée.

Selon moi, trois raisons peuvent être avancées.

Première raison, le citoyen lambda considère que la hausse de l'essence n'est pas tout à fait conforme à la réalité de la hausse du prix du pétrole, un certain délai les dissociant curieusement. Les prix à la pompe ne suivent pas de manière systématique l'évolution des cours.

La deuxième raison est liée à la pollution d'un certain nombre de côtes atlantiques. Toutefois, je ne m'étendrai pas sur ce point, ayant eu l'occasion d'intervenir à cet égard lors de votre audition par la commission de l'économie.

La troisième raison tient à la fiscalité. D'ailleurs, si je me suis levé très tôt, à quatre heures et demie, et si j'ai fait le déplacement depuis Saint-Nazaire, c'est pour vous interroger sur ce sujet.

La société que vous présidez a une particularité : elle émane à l'origine de fonds publics. C'est donc par le biais de ceux-ci qu'elle a réalisé l'ensemble de ses investissements, même si elle s'est considérablement développée par la suite.

Il s'agit, me semble-t-il, de la première capitalisation boursière en France, représentant plus de deux fois le budget de l'éducation nationale. Ce sont des montants importants, pour ne pas dire énormes.

La société est née de concessions d'exploitation offertes à un moment donné par l'État, ce qui impose selon moi, en termes de « civisme fiscal », des attitudes absolument exemplaires ; vous avez tenté de nous faire la démonstration, et je vous en remercie.

Je vous poserai quatre questions.

Premièrement, quel sera le niveau des investissements réalisés en 2012 par Total ? Quel sera, sur les bénéfices, le niveau de rémunération des actionnaires et celui de l'impôt, en particulier national ?

Deuxièmement, verriez-vous un inconvénient majeur à ce que le bénéfice mondial consolidé de l'entreprise Total soit divulgué à l'opinion publique, tout simplement par voie de presse, et à ce que la représentation parlementaire en soit tenue informée ? Pour ma part, je n'imagine pas que cela puisse faire difficulté.

En effet, dès lors que l'opinion et ses représentants ont le sentiment qu'on leur cache quelque chose, la situation devient, on le comprend bien, plus difficile. Or, dans le cadre du fonctionnement de notre démocratie, cela n'est pas bon.

Troisièmement, est-il arrivé que Total négocie une exonération pour ne pas payer d'impôts sur les profits à venir ? J'ai en effet eu l'occasion de lire un article sur ce sujet.

A ce stade, je ferai une remarque d'ordre plus général. Voilà quelques années, le responsable d'une très grande entreprise comme Total ne défendait d'autre logique que celle qui consiste à réaliser le maximum de bénéfices pour investir, rémunérer les actionnaires et payer les salariés. Dans la période présente, la logique est un peu différente. Chacun le sait, la plupart des États, dont la France, sont aujourd'hui très fortement endettés. En conséquence, la logique entrepreneuriale de gouvernance d'une grande entreprise comme Total peut et doit être elle-même un peu différente.

Du coup, j'en reviens à ce civisme fiscal qui m'apparaît absolument indispensable, non pas du fait des origines de Total - quoique ! -, mais parce que cela peut contribuer à la richesse économique d'un pays et, par voie de conséquence, au développement de l'entreprise que vous dirigez.

Il me semble donc que la logique qui était celle de différentes gouvernances voilà quelques années ne peut et ne doit plus être la même aujourd'hui. Sinon, nous courons à la catastrophe.

Quatrièmement, permettez-moi de vous interroger sur ce qui peut paraître un détail, mais le diable se cache parfois dans les détails. Vous avez parlé d'exemplarité, et je partage complètement cette exigence. Dans ce cadre, pouvez-vous indiquer, même si ce n'est pas cela qui permettra de combler les déficits budgétaires, l'écart de revenu, dans l'entreprise Total, entre le moins bien payé et le mieux payé ?

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