Je vous remercie, monsieur le sénateur, de toutes vos questions, qui constituent un excellent tremplin en ce qu'elles mêlent plusieurs sujets précis, dont les problèmes d'image et de gouvernance.
Je tiens à vous le dire, l'adjectif « défensif » que vous avez utilisé correspond assez peu à mon caractère, qui est plutôt « réactif ». Je me permets de faire cette petite correction, car mon exposé liminaire, certainement pas défensif, s'inscrivait en réaction à certains propos.
Très souvent, pour des raisons sur lesquelles je ne m'interroge plus parce que j'ai la réponse, on s'obstine à vouloir nous faire dire le contraire de ce que nous expliquons. C'est cette partie de votre intervention qui mérite d'être corrigée. J'y reviendrai en vous répondant plus globalement.
Nous pouvons répéter les informations cent fois, si personne n'a envie de les entendre, particulièrement ceux qui disposent du pouvoir de les transmettre, tout est plus difficile.
A cet égard, nous pouvons parler de ce qui se passe en ce moment autour de l'Erika, en particulier sur le plan juridique, bien que ce ne soit pas le sujet du jour. Ce fut évidemment un événement très important, mais il remonte à 1999, voilà maintenant treize ans. Chacun a pu constater la manière dont le groupe Total est traité à l'occasion d'un débat portant non sur le fond, mais sur la forme. Nous n'y sommes pour rien. Laissons à la justice de notre pays le soin de faire son travail. La justice n'est pas bonne quand elle vous donne raison et mauvaise quand elle vous donne tort. C'est tout ce que j'ai à dire à ce stade, d'autant que, je le répète, ce n'est pas le sujet du jour.
A entendre certains parler de l'Erika tous les matins, l'image du groupe ne va clairement pas s'améliorer, quoi que nous fassions. Ce n'est pas une augmentation d'impôt qui y changerait quoi que ce soit, vous le savez bien, monsieur le sénateur. Qu'il serait facile de pouvoir s'acheter ainsi une bonne conduite : fort heureusement, tel n'est pas le cas !
J'en viens à vos questions de fond, en commençant par le prix à la pompe. Nous nous sommes déjà expliqués cinquante fois. Point positif : il y a eu un retour.
Vous avez tout de même dit que le consommateur trouvait que Total ne répercutait pas correctement les évolutions de prix. Je pense que c'est faux. L'histoire du blocage des prix n'est plus d'actualité : ce n'était pas, selon moi, une bonne méthode, et je m'en suis déjà expliqué. De toute façon, le Parlement est souverain.
Veillons à ne pas faire passer de tels messages systématiques. Ceux-ci viennent très souvent de parlementaires, qui, d'office, quoi que nous fassions et disions, affirment que nous ne répercutons aucune évolution de prix. Même quand nous vous les donnons, les chiffres sont considérés comme faux. Cela fait bien de dire que Total ment. Puisque je dépose aujourd'hui sous serment, je peux vous jurer que ce que vous dites en la matière, de la part d'autres, est absolument faux.
Il est d'ailleurs tellement intéressant de faire de la distribution en France que toutes les grandes compagnies - les Exxon, Shell, BP - sont toutes parties récemment ! Sans doute n'aiment-elles pas les profits et gagnaient-elles trop d'argent dans notre pays...
Voilà pourquoi les seuls acteurs à continuer leur activité et à se développer sont les grandes surfaces : celles-ci utilisent le carburant comme un produit d'appel et gagnent leur argent ailleurs. Je comprends parfaitement que nous ne puissions pas vendre d'alcool sur nos centres de distribution, mais pourquoi les grandes surfaces en proposent-elles à vingt mètres de leurs stations-service, sans que les parlementaires y trouvent à redire ?
Je tenais à remettre tout cela en perspective, monsieur le sénateur. Vous le voyez bien, loin d'être sur la défensive, je suis plutôt porté sur l'attaque : si l'on veut agir, il faudra le faire à deux. Ne renvoyons pas simplement toute la faute sur l'entreprise Total, qui, toute seule, n'arrivera pas à améliorer son image tant qu'on ne lui donnera pas un coup de main. Et je pense que cela en vaut la peine.
J'en viens au sujet, dont il faut parler, de la fiscalité et des fonds publics. En plus, c'est celui que je connais le mieux.
En 1924, l'État français, récupérant les actifs de l'Allemagne, et de personne d'autre, mais n'ayant pas les moyens de les gérer, a décidé de créer une société, la Compagnie française des pétroles, la CFP, laquelle mit en place une filiale, la Compagnie française de raffinage. C'est cette dernière qui avait des obligations en termes d'approvisionnement du marché français.
En contrepartie de cet apport, la CFP, devenue Total, a depuis cette date payé jusqu'en 1994, si ma mémoire est bonne, des royalties au gouvernement français. Cela fait donc des années que nous lui avons remboursé notre dette, avec profit.
L'État a, par la suite, cédé sa participation en gagnant de l'argent. Il ne possède aujourd'hui plus rien, après avoir récupéré sa mise je ne sais combien de centaines de fois. Le contribuable français n'a rien perdu, bien au contraire, d'un tel transfert de l'État à Total. J'aurai le courage de dire que l'entreprise a été ainsi beaucoup mieux gérée.
Nous avons maintenant une belle société privée, indépendante, puisque l'État ne dispose plus de rien. Les droits que nous avons à son égard sont ceux que nous avons à l'égard de nos concitoyens : c'est notre responsabilité sociétale et civique, qui n'est absolument pas liée à 1924.
Je suis désolé de devoir le souligner, mais l'histoire est terrible sur ce point, et les chiffres sont parfaitement clairs : nous avons payé toute notre dette. Il est trop facile de prétendre que nous aurions une pseudo-dette morale : outre que ce n'est absolument pas quantifiable, cela ne veut rien dire.
Dans de nombreux autres pays, les choses se sont faites sous une forme beaucoup plus agressive, comme vous le savez, sans que les nouveaux propriétaires remboursent quoi que ce soit à leur État.
Donc, sur cette partie-là, j'estime que nous avons vraiment fait tout notre devoir. Pendant des années, le Gouvernement a nommé les patrons de Total et délégué des commissaires au conseil d'administration. Un jour, l'État a décidé de lui-même de sortir pour gagner de l'argent. Il ne peut pas agir de la sorte et prétendre ensuite continuer à exercer un droit sur la société : le droit, cela se mérite aussi !
Quant aux impôts acquittés en France, je précise que la répartition se fait d'abord globalement, au niveau international. Nous sommes cotés dans plusieurs pays. Aujourd'hui, grosso modo, sur les 12 milliards d'euros précités,...