Intervention de Christophe de Margerie

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe de Margerie président directeur général de total

Christophe de Margerie, président directeur général de Total :

Pour faire simple, l'actionnariat est, aux deux tiers européen, dont la moitié, soit un tiers du total, français. Notre pays étant de loin celui qui compte le plus grand nombre de nos actionnaires, il bénéficie des impôts correspondants, notamment sur les dividendes. Dans le deuxième tiers européen, on trouve surtout la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la Belgique, compte tenu des anciens rapports avec Petrofina.

Dans le dernier tiers figurent, pour les trois quarts, les États-Unis. Ce que l'on appelle le reste du monde détient 8 % : cela a créé un grand débat, au Parlement en particulier. J'ai moi-même beaucoup défendu l'entrée des fonds souverains au sein du capital des sociétés françaises. Si, désormais, tout le monde trouve cette idée géniale, car de nature à apporter de l'argent frais, à l'époque, certains nous mettaient en garde, craignant une prise de contrôle de Total. Or prendre le contrôle de Total qui détient ses actifs à travers le monde n'est pas très commode quand on est chinois.

Donc, 8 % seulement de notre actionnariat provient des pays du Golfe, Abou Dabi notamment, et de la Chine. Compte tenu du fait que ces territoires représentent à peu près 80 % de notre activité, vous voyez que le lien entre nos actionnaires et notre activité n'est pas très bon, d'où notre volonté de le rééquilibrer.

De surcroît, mais cela mériterait un autre débat, nos actionnaires se montrent de moins en moins intéressés par notre style de métiers, alors que les pays émergents le sont beaucoup plus.

Comment se répartissent les 12 milliards d'euros ? Il faudrait plutôt prendre en compte le cash-flow, qui est plus important par définition, mais restons-en au résultat. Sur ce total, 5 milliards d'euros vont à l'ensemble de nos actionnaires. C'est la quatrième année consécutive que nous n'augmentons pas le dividende, alors que les résultats ne sont pas si mauvais.

Bien évidemment, nous avons augmenté les salaires. Comme chacun le sait, nos salariés français bénéficient d'une revalorisation nettement supérieure à la moyenne nationale. Les chiffres sont connus. Il faudra donc penser, à un moment, à rehausser le dividende, d'autant que, faute d'augmentation, la prime pour dividende n'a pu être versée.

Après discussion avec les syndicats, Total a versé à ses salariés, mais pas à tous, une prime de 1 200 euros, venant s'ajouter aux hausses de salaire. C'est, par définition, un montant très nettement supérieur à celui de toutes les primes sur dividende qui ont pu être payées au niveau du CAC 40.

Les investissements du groupe représenteront, en 2012, 16 milliards d'euros, une somme tout à fait considérable, largement supérieure, bien évidemment, aux 5 milliards d'euros de dividende. Sur ces 16 milliards d'euros, 1,5 milliard bénéficie à la France, soit beaucoup plus que ce que nous observons en termes de profits, voire d'opérations.

Contrairement à ce qui est expliqué, Total est un groupe très nettement, pour utiliser un terme anglo-saxon, « leveragé ». Autrement dit, en proportion du niveau de notre activité, nous dépensons beaucoup plus d'argent et sommes bien plus présents dans ce pays. Nombre de sociétés françaises sont d'ailleurs dans ce cas. Cela fait partie de ces mélanges qui sont faits sur les impôts payés par les PME et par les autres. Là aussi, je trouve qu'un tel débat n'a pas lieu d'être, d'où, de temps en temps, une petite forme d'énervement lorsque l'on compare des éléments qui ne sont pas comparables.

Il faudrait rapprocher les résultats obtenus dans un pays du niveau des impôts payés plutôt que de comparer le montant des impôts tel quel. D'autres sociétés du CAC 40, que je ne nommerai pas, bien qu'apparaissant comme très françaises, exercent, contrairement à ce que l'on pense, plus de 90 % de leur activité en dehors des frontières.

Je le reconnais, monsieur le sénateur, Total a un devoir supplémentaire, que nous assumons. La bonne manière de le faire n'est pas en acquittant des impôts qui ne sont pas dus : je ne vois pas pourquoi j'irais demander à payer des sommes quand la loi ne nous l'impose pas.

En revanche, nous avons beaucoup d'activités en France. Lisez la plaquette sur l'activité de Total en France : elle présente tout le travail que nous faisons avec un grand nombre de municipalités et de PME. Ces entreprises n'arrêtent d'ailleurs pas de le reconnaître et de le rappeler. Des prix nous sont même décernés ! Pourquoi cela n'est-il pas « repris », si je puis me permettre ce mauvais jeu de mots ? Je ne sais pas. La société Total est classée comme celle qui est la plus « PME », aussi bien en France qu'à l'étranger. Voilà qui est attesté par Bercy et par beaucoup d'autres.

Nous avons beau le répéter tout le temps - il nous est reproché de mal communiquer, c'est possible - mais le fait que Total puisse aider les PME est, quelque part, impensable pour certains. Notre plaquette est conforme, valide. Si vous voulez la contester, vous avez le droit, mais contestez le papier, le contenu. Les gens préfèrent nier tout simplement les faits, et pas le papier.

Oui, Total apporte son aide aux collectivités en France. Vous n'imaginez pas le nombre de lettres que je reçois chaque jour pour demander de l'aide pour ceci ou cela. Nous y répondons, et c'est normal. Nous avons peut-être tort, monsieur sénateur, mais nous ne faisons pas autant de publicité que nous devrions sur toutes nos actions. Si je vous en dressais la liste, vous seriez très surpris. Savez-vous que nous avons la plus grosse fondation ? Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le, mais en citant des chiffres.

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