Intervention de Christophe de Margerie

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe de Margerie président directeur général de total

Christophe de Margerie, président directeur général de Total :

D'abord, je tiens à dire que je ne me suis pas senti du tout attaqué. Il m'arrive, c'est vrai, de répondre de manière un peu directe. Certaines questions, je le comprends, dépassent forcément le cadre de la simple interrogation, puisqu'elles contiennent déjà une partie de la réponse. C'est pour cela que je me permets de parler plus franchement, mais n'y voyez aucune agressivité de ma part. J'y insiste, nous sommes là pour donner, dans la transparence, les explications nécessaires.

Nous savons que ce sujet des 300 millions d'euros versus 12 milliards peut nourrir un certain sentiment de complexité. Mais n'oublions pas un élément important. Moi qui suis connu pour parler assez librement et simplement avec beaucoup de monde, je suis toujours surpris par l'écart de perception que je constate entre, d'un côté, ce qu'il nous est très souvent présenté comme l'opinion publique, et, de l'autre, l'homme ou la femme de la rue.

Cela va peut-être vous paraître curieux - ou alors je ne rencontre que des gens particulièrement gentils... -, mais ceux à qui j'explique le pourquoi de ces 300 millions d'euros ou de mon salaire le comprennent assez bien. Je prends des exemples tout simples.

Je retire effectivement les 12 milliards d'euros pour éviter que cela ne fausse le débat et je parle beaucoup plus d'équilibres d'épicerie : voici ce que je gagne, voilà ce que je dépense, voilà comment je fais à la fin. Je vous assure que mes explications passent plutôt bien. Si le montant de l'impôt payé en France pose problème, c'est que les gens pensent que Total y gagne de l'argent. Le vrai sujet est là. Pourquoi ? Parce que tout le monde veut le faire croire en évoquant des prix de transfert extraordinaires. Les Français croient ainsi que nous gagnons des fortunes à la pompe et ne comprennent donc pas pourquoi nous ne payons pas d'impôt.

A ce moment-là, ils ne devraient pas comprendre non plus pourquoi le fisc - disant cela, je mets les parlementaires et les responsables de ce pays en face de leurs responsabilités -, au lieu de nous laisser en butte à ces attaques et d'entrer dans un jeu à mon avis néfaste, n'explique pas que Total ne fait qu'appliquer le droit en vigueur. Personne n'a intérêt à ce que notre groupe ne soit pas bien vu par nos propres concitoyens. En tout cas, pas moi. Je ferai tout pour me battre sur ce point.

Le vrai sujet, ce n'est pas les 300 millions d'euros, c'est le fait que les gens pensent que nous ne disons pas la vérité, que nous gagnons beaucoup plus, qu'une bien plus grande part des 12 milliards d'euros nous revient. Il n'est pas normal de laisser continuer à le faire croire, alors que tel n'est pas le cas.

Je vais me battre différemment. Je ne parlerai plus du tout des 14 milliards d'euros, qui passent moyennement bien. J'expliquerai vraiment quels sont nos résultats en France et leur origine. Cela gênera plus de monde parce qu'il va falloir que l'on s'explique sur les raisons pour lesquelles Total ne peut pas gagner suffisamment d'argent en France pour payer des impôts.

Ma marque de civisme, ce sera d'expliquer que Total peut gagner de l'argent en France à condition qu'on le laisse en gagner, au lieu d'exiger que nous payions des impôts que nous ne devons pas. Voilà un débat qui s'annonce intéressant. Il faudra que notre service communication monte encore d'un cran en termes de capacité !

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