Oui, nous avons bénéficié du crédit d'impôt recherche, pour un total de 66 millions d'euros. Je peux vous le dire, puisque j'ai décidé de parler tout à fait ouvertement : ma première réaction fut de ne pas utiliser cet argent ; du fait de ce fameux syndrome qui nous conduit à toujours peser nos actes, je craignais que l'on ne fasse reproche à Total de profiter de ces subventions. On imagine les questions : pourquoi de telles subventions ? Pourquoi à Total ?
Il m'a alors été demandé par plusieurs personnes responsables - je ne dirai pas lesquelles - de faire en sorte que Total montre l'exemple. Comme le mécanisme n'a pas bien fonctionné au départ, on nous a invités à revenir à la normalité et à utiliser ce crédit d'impôt de droit commun. C'était d'autant plus justifié que Total venait de sortir du dispositif du BMC.
Nous n'avons créé aucune société ad hoc à cette fin, nous contentant de ne participer qu'à des structures existantes. Nous avons suivi notre propre vocation, en accroissant, par exemple, notre effort de recherche dans le solaire, notamment au niveau de Tenesol. Nous avons investi dans de nombreuses start-up, ne recourant à aucun - je dis bien aucun - mécanisme particulier pour bénéficier de ce crédit d'impôt.
Bercy a même reconnu notre exemplarité en la matière, ce à quoi je tenais tout particulièrement. Franchement, je me suis posé beaucoup de questions ; je me doutais qu'il y aurait des commentaires. Total a touché de l'argent par ce biais, oui : c'est une société « normale ».
Le danger que je perçois bien, c'est justement qu'à la suite de ce genre de réactions extérieures nous avons nous-mêmes tendance à ne pas nous considérer comme une entreprise normale, finissant par renoncer à certaines actions par peur qu'on nous les reproche.
Il est heureux que nous ayons normalement utilisé le crédit d'impôt recherche, car cela a contribué à donner un élan, à entraîner beaucoup d'autres derrière nous.
Il nous avait été reproché de ne pas jouer de rôle de leader. Nous l'avons fait. C'était, je crois, nécessaire. Avec les 66 millions d'euros, nous sommes loin d'avoir épuisé le quota français. Le crédit d'impôt recherche est, selon moi, un mécanisme intelligent.
Je rappelle enfin ce que j'ai dit tout à l'heure : Total réalise à peu près la moitié de son effort de recherche en France, exploration mise à part, bien évidemment.