Intervention de Christophe de Margerie

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe de Margerie président directeur général de total

Christophe de Margerie, président directeur général de Total :

Non ! Nous entrons là dans un domaine très spécifique et extrêmement technique. À l'époque des fameux contrats de partage de production, il n'y avait pas d'impôt en tant que tel : puisqu'il nous fallait effectivement des crédits d'impôt pour pouvoir faire fonctionner le système, nous avons dû discuter avec Bercy pour faire reconnaître le partage de production comme un équivalent d'impôt.

Il y a donc bien eu ce genre de discussions, mais au niveau de l'administration, pas de l'État. Pour le reste, ce sont des rapports d'État à État.

La politique joue-t-elle un rôle ? Oui. Lorsque le Président de la République se rend dans un pays et qu'il parle de Total, cela peut nous aider. Mais tous les présidents, de gauche comme de droite, ont agi de la sorte. Cela s'appelle du soutien aux entreprises. J'espère bien que nous continuerons à en recevoir, parce que les sociétés anglo-saxonnes ne se privent pas sur ce plan.

J'en viens, monsieur le rapporteur, à la proposition de directive du commissaire européen, dont je ne cite pas le nom à dessein.

A mon sens, cette proposition va trop loin. D'ailleurs, lui-même a dû le remarquer aussi, puisqu'il a fait évoluer son idée : il est désormais question de sortir du seul cadre des industries extractives pour englober l'ensemble des sociétés.

Même si je continue à ne pas trouver cette proposition très bonne, un tel élargissement permet d'éviter tout risque de stigmatisation. Nous nous sommes battus pour que les règles de transparence soient valables pour tous, pas uniquement pour les compagnies pétrolières.

Pour autant, je ne pense pas qu'il faille aller aussi loin. Le développement projet par projet est, pour moi, une hérésie. On est en train de fabriquer un monstre administratif épouvantable. A un moment où nombreuses sont les personnes qui se plaignent de Bruxelles, bravo !... Ce n'est pas ainsi que cela va marcher.

Il n'appartient pas à des technocrates, si brillants et compétents soient-ils, d'aller vérifier nos contrats, d'autant que ceux-ci intègrent une importante partie commerciale secrète. Il y a d'autres manières pour faire respecter le droit et la loi.

Il s'agit d'une forme de suspicion complète : dès lors que l'on nous demande à voir les contrats, c'est vraiment la preuve que plus personne ne nous croit. Dans ces conditions, soyons clairs : plus de commissaires aux comptes, plus d'audit, plus rien ; allonsy, étalons tous les comptes et demandons à des fonctionnaires à Bruxelles de vérifier leur légalité !

C'est aller beaucoup trop loin ; c'est de la démagogie, ce qui n'est pas forcément la bonne solution. Nous sommes favorables à plus de transparence, notamment dans le cadre de l'EITI. Nous sommes prêts à venir expliquer nos comptes aux parlementaires autant de fois que nécessaire, à les justifier à 100 %. Mais n'en arrivons pas à faire passer les contrats au crible de fonctionnaires à Bruxelles.

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