Intervention de Jean-Marc Tassetto

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Marc Tassetto directeur général de google france olivier esper directeur des relations institutionnelles de google france et marc mossé directeur des affaires publiques et juridiques de microsoft france

Jean-Marc Tassetto, directeur général de Google France :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à participer à cette commission d'enquête. Nous allons ainsi pouvoir vous exposer plus clairement et précisément la situation de Google France, en particulier sa raison d'être par rapport à l'organisation globale de Google.

C'est la troisième fois, je dois le dire, que nous intervenons sur des sujets proches. Nous sommes évidemment bien conscients de la nécessité d'échanger le plus d'informations possible sur les enjeux liés aux impacts de la révolution digitale, qui présente la double particularité d'être extrêmement rapide et d'avoir de multiples impacts. Il s'agit donc d'une révolution structurante.

J'ai souhaité que Olivier Esper, directeur des relations institutionnelles de Google France, m'accompagne afin que nous puissions répondre aussi précisément que possible à vos questions ; nous le ferons dans la mesure de nos compétences et de nos responsabilités au sein de Google France.

Nous avons bien noté que le thème de votre commission d'enquête est la lutte contre l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Nous traiterons cette question sous l'angle d'une filiale d'un groupe international qui dirige des opérations en France, en évoquant nos enjeux de compétitivité, enjeux techniques, commerciaux et industriels.

Les conférences auxquelles j'ai participé montrent que le fonctionnement de Google est très bien connu des utilisateurs. Aussi ne prendrai-je que cinq minutes pour vous l'expliquer.

Nous sommes une toute jeune entreprise - la révolution digitale, c'est aussi la révolution de la vitesse ! - : créée, en 1998, en Californie, par deux étudiants de Stanford, elle est issue d'un brevet, qui est la propriété de l'université de Stanford. Elle a pour mission de proposer aux internautes via son moteur de recherche les résultats les plus pertinents et les plus précis possibles.

Cette entreprise californienne a pour vocation de construire des produits et des plateformes globales adressant des milliards d'internautes dans le monde et de chercher à élaborer un dispositif industriel le plus efficient possible.

Le moteur de recherche de Google a entraîné une révolution non seulement technologique - j'y reviendrai ultérieurement avec la requête concernant les chambres d'hôtes à Marquillies, dont les résultats sont affichés à l'écran -, mais également économique en ce que nous avons changé le modèle publicitaire.

Auparavant, lorsque vous étiez commerçant ou grand distributeur, vous deviez payer, a priori, une publicité à la radio ou dans la presse quotidienne régionale quel que soit l'impact de celle-ci. Le modèle publicitaire de Google est inverse : vous ne payez qu'au clic, c'est-à-dire uniquement lorsqu'un prospect est entré dans votre magasin. Imaginez la novation si le même commerçant ou le même distributeur ne payait ses spots radiophoniques ou ses affichages qu'à partir du moment où un client est entré dans son magasin !

Là est l'autre révolution du modèle Google - il y a chaque jour plusieurs dizaines de millions de requêtes en France et des milliards dans le monde -, que nous avons voulu illustrer en affichant cette page web, monsieur le rapporteur.

Nous avons fait ici une requête sur les chambres d'hôtes à Marquillies. Vous voyez s'afficher en haut de la page trois emplacements privilégiés, avec des liens en vert vers des sites web de personnes qui possèdent des chambres d'hôtes, telles que La petite Cense ou L'Hancarderie, avec des numéros de téléphone et, à droite de la page, vous pouvez voir onze emplacements de même nature.

Si l'on veut faire une comparaison avec un magasin physique, les trois emplacements sont les gondoles des allées centrales, - l'emplacement premium -, alors que l'on trouve à droite de la page les têtes de gondoles.

Nous vendons donc ce que nous appelons des liens sponsorisés : les annonceurs ont la possibilité de répondre via leur site web à la question : « Je cherche une chambre d'hôtes à Marquillies ».

Il s'agit d'une révolution considérable dans la mesure où, je le répète, le paiement se fait au clic, et non a priori. Le budget est donc totalement maîtrisé. Dès cet après-midi, vous pouvez créer une campagne pour un euro en vous inscrivant en ligne au moyen d'une carte bancaire, et ce sans condition de sortie. Si vous n'avez qu'un euro à investir, vous n'investissez que cette somme et, j'y insiste, vous pouvez sortir à tout moment.

Lorsque j'ai rejoint le groupe Google il y a un an et demi, après avoir travaillé dans de grands groupes industriels français, j'ai été surpris de constater que nous étions en grande partie en relation avec des PME, des artisans, des commerçants, qui découvrent là un modèle de coût publicitaire variable : je ne paie que lorsque je gagne. Ainsi, dans le cas qui nous occupe, si je sais que j'ai une réservation de chambre tous les cent clics et que ma marge est, par exemple, de vingt euros, je peux définir mon budget en conséquence.

C'est la seconde révolution du modèle Google.

Pour servir ce modèle global, qui offre des produits gratuits pour l'utilisateur, tels que les moteurs de recherche Gmail, Google Earth ou encore Google Maps, nous faisons financer ces produits par la publicité, selon le modèle que je viens de vous décrire.

J'en viens au schéma industriel de Google.

Les produits globaux sont conçus par des ingénieurs, essentiellement en Californie, et pensés pour l'ensemble des internautes. Le dispositif industriel a son centre de gravité à Dublin où travaillent un peu plus de 2 000 collaborateurs qui servent des annonceurs allant de la Russie à l'Afrique du Sud. J'insiste sur ce point, l'implantation industrielle à Dublin répond à des critères évidemment techniques, avec des plateformes que l'on cherche à rendre les plus efficientes possibles, mais elle s'explique aussi par l'attractivité du pays et la possibilité de servir à l'échelle les annonceurs. Ce sont de jeunes diplômés d'écoles de commerce ou d'universités - les meilleurs d'Europe - qui traitent en ligne les annonceurs.

Eu égard au fait que cette révolution est très technique et que nos produits sont assez compliqués, nous avons dans les principaux grands pays - une quarantaine pour Google - des équipes locales de support, dont j'assure la direction, en matière pédagogique, didactique et de marketing. Vous avez pu voir à la télévision, par exemple, la publicité pour notre produit Chrome.

Ces équipes locales, qui traitent, en France, environ 500 groupes, sont organisées en neuf secteurs industriels. Elles sont chargées d'« évangéliser » et d'accompagner les grands groupes industriels de l'automobile, de la finance, des télécoms, de la grande distribution, de la grande consommation.

Je souhaitais en quelques minutes vous décrire ce schéma industriel, qui comporte évidemment un volet fiscal. Toutefois, notre implantation en Irlande, à Dublin, n'est qu'un des éléments du choix du dispositif industriel de Google.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion