Intervention de Marc Mossé

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Marc Tassetto directeur général de google france olivier esper directeur des relations institutionnelles de google france et marc mossé directeur des affaires publiques et juridiques de microsoft france

Marc Mossé :

Au niveau mondial, depuis 1975.

Depuis cette époque, nous nous sommes engagés à travailler au renforcement de l'industrie logicielle française et à son écosystème, notre premier métier étant l'édition de logiciels, qu'il s'agisse non seulement de logiciels grand public ou destinés aux professionnels, de jeux vidéo, autrement dit de logiciels de loisirs, mais aussi d'activités internet, lesquelles s'appuient sur des algorithmes relevant également, à certains égards, du logiciel.

Notre présence en France traduit un ancrage pour une démarche partenariale de long terme. J'insiste sur cette dimension, qui explique l'organisation juridique et fiscale à travers laquelle nous sommes présents dans ce pays.

Permettez-moi de vous livrer quelques chiffres assez éclairants. Microsoft en France, aujourd'hui, c'est à peu près 1 700 collaborateurs, employés par Microsoft France, l'entité agissant en tant qu'agent commissionné présent sur le territoire, par Microsoft France R&D, créé en 2009, par Musiwave, PME française acquise et intégrée dans le groupe Microsoft, et par le siège international de Microsoft, qui exerce une fonction de support, l'ensemble étant situé à Issy-les-Moulineaux.

Microsoft fonctionne dans le cadre d'un écosystème, facteur très important dans le domaine du numérique. À cet égard, une des études régulièrement produites par le cabinet indépendant IDC montre que l'écosystème Microsoft suscite environ 75 000 emplois indirects. Il s'agit non seulement d'intégrateurs, de sociétés de service, de revendeurs, mais également d'éditeurs de logiciels, qui développent des solutions à partir de nos plateformes technologiques. Cet élément tout à fait important représente à peu près 11 500 partenaires.

Autre aspect essentiel, nous avons mis en place, en 2005, il y a donc bien longtemps, un mécanisme d'aide et de soutien aux start-up, qui se nomme BizSpark, l'« étincelle du business ». Il a permis d'aider 1 090 start-up, de la TPE à la PME de 200 à 250 salariés, lesquelles ont créé peu ou prou 7 000 emplois indirects.

Permettez-moi d'en citer quelques-unes. Criteo fait partie des grandes start-up, leader mondial en méthodologie de la publicité sur Internet ; Kobojo, fondée en 2008, est leader européen du jeu social en ligne ; Commerce Guys est spécialiste du e-commerce en open source, sa solution étant utilisée par plus de 10 000 sites dans le monde ; xBrainSoft est créateur de l'application « Angie », développée au sein d'Euratech, avec des partenaires historiques de Microsoft.

On pourrait multiplier de tels exemples pris dans les 1 090 start-up, qui révèlent un élément tout à fait essentiel, à savoir la force de l'écosystème français du numérique. Tout l'enjeu sur lequel nous sommes engagés, c'est de faire en sorte qu'il puisse se développer, et ce de façon durable.

J'ai cité Kobojo. Avant même de figurer dans le programme BizSpark, cette start up figurait au sein d'un autre programme, Imagine Cup, compétition mondiale des écoles développant des solutions susceptibles de résoudre des problèmes de société. Cette année, le projet CapStreet, porté par cinq écoles de la région toulousaine, développe un logiciel destiné aux personnes handicapées. Celles-ci pourront désormais définir les parcours en ville les mieux adaptés à leur handicap, visiter des sites, certains musées, avec les meilleures possibilités d'accessibilité.

Depuis sa création en 2003, Imagine Cup a accueilli plus de 100 000 étudiants. Avec 23 médailles, dont 9 d'or, les écoles françaises sont celles qui se sont les plus distinguées, devant leurs homologues chinoises. On pense souvent que c'est ailleurs que se passe le développement logiciel. Non ! Ce sont de jeunes Français qui gagnent à chaque fois. Or Kobojo est né d'Imagine Cup.

Le partenariat que nous avons créé en 2005 avec l'INRIA, que vous connaissez bien, puisque c'est un établissement public de recherche fondamentale, constitue un autre exemple de notre activité en la matière. Ce partenariat, dont les équipes sont implantées sur le plateau de Saclay, est dédié à quatre enjeux de l'industrie numérique et aux progrès scientifiques : sécurité et fiabilité des logiciels, intelligence artificielle, visualisation des données et traitement d'images et de vidéo, ainsi que le fameux cloud computing, l'informatique en nuage.

Ce laboratoire de recherche fondamentale comporte cinquante chercheurs. Aujourd'hui, c'est l'un des laboratoires les plus réputés dans le monde sur ces sujets. Ses chercheurs publient dans toutes les grandes revues et sont présents dans tous les grands colloques.

Je précise également - nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler - que les résultats des travaux de recherche sont, dans le cadre de ce partenariat, sous licence ouverte. Autrement dit, tous les résultats issus de ces travaux sont sous une licence CeCILL-B, conçue par trois établissements publics français, le CNRS, l'INRIA et le CEA. Par conséquent, si des résultats peuvent être exploités, un tel dispositif peut notamment permettre à l'INRIA de créer une start up.

Les résultats ne sont donc en aucune façon la propriété exclusive de Microsoft. Ainsi, via ce laboratoire, des actifs pourront demeurer en France et bénéficieront peut-être de certains développements. En 2009, nous avons renouvelé ce partenariat pour quatre ans. Pour dire les choses très simplement, depuis la création du laboratoire commun, nous versons 1,25 million d'euros par an.

J'achèverai ce premier tour d'horizon de notre organisation en évoquant Musiwave, PME française de 170 personnes acquise par Microsoft et travaillant dans la mobilité technologique. Avant cette acquisition, elle bénéficiait du crédit d'impôt recherche, ce qui nous a incités à la conserver en France et à continuer de la développer.

Cela étant, je dois dire que, depuis son intégration, nous n'avons pas présenté de nouveau dossier de CIR. Pourtant, cet élément déterminant dans la création et le développement de l'entreprise avait, à l'époque, attiré notre attention. Depuis lors, nous avons concentré notre effort sur la réussite de l'intégration, en continuant à recruter des ingénieurs de très haut niveau. Cette structure localisée en France développe pour le monde entier, au sein de Microsoft Corporation, des pans importants de notre plateforme de divertissement.

Je me permets d'indiquer que, s'agissant de recherche fondamentale, les travaux du laboratoire commun avec l'INRIA sont eux aussi éligibles au CIR, conformément aux dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe 3 du code général des impôts. Comme je vous l'ai dit, nous abondons ce laboratoire commun depuis 2005. A ce jour, nous n'avons pourtant présenté qu'un seul dossier au titre du CIR, en 2011, pour un montant qui pourrait, si le dossier était avalisé, représenter 540 000 euros. Cette somme doit être rapportée à celle de 1,25 million d'euros par an que nous versons via Microsoft France R&D.

Je le répète, ce ne sont pas des raisons fiscales ou d'optimisation indue qui ont dicté cette demande. Il s'agit simplement des résultats scientifiques d'un comité scientifique. Dans ce laboratoire commun travaillent en effet des chercheurs de l'INRIA, de Microsoft Research Cambridge et de Microsoft France R&D.

Ces quelques exemples me permettent d'ailleurs d'affirmer que le crédit d'impôt recherche est un véritable outil d'attractivité pour la France, à condition qu'il soit utilisé à bon escient et pour des réalisations véritables.

Notre organisation juridique et fiscale tient bien évidemment compte d'une telle réalité. La société Microsoft France, pour sa partie consacrée à la promotion des ventes, est devenue une SAS en 1983. Elle est l'agent commercial commissionné en France de Microsoft Ireland Operations Limited, MIOL, acteur de centralisation des opérations, implanté en Irlande. Nous réalisons des actions de promotion des ventes, des opérations d'information sur les nouveaux produits, des offres auprès des grossistes et des partenaires ou encore des activités de consulting de SSII ou de maintenance.

MIOL centralise pour toute l'Europe les activités de production. Cette structure est également copropriétaire des droits de propriété intellectuelle sur le développement des logiciels. Pour le dire autrement, du point de vue du cadre juridique et fiscal, c'est MIOL qui prend les risques afférents au marché et ceux qui sont liés au développement. Sur ce point, permettez-moi de donner deux exemples. L'un d'eux fera sans doute discussion par la suite.

Le premier est celui de la console de jeux Xbox. En 2001, Microsoft Corporation prend la décision stratégique d'entrer sur ce segment de marché, occupé par Sony et Nintendo, estimant que la console de jeux pourrait tenir lieu, demain, dans chaque salon, de véritable ordinateur domestique.

Ainsi, pendant des années, Microsoft a développé sur ce terrain, à perte, puisqu'il s'agissait d'une activité non profitable. Pour autant, Microsoft France, agent commissionné ne supportant aucun risque de marché - ce sont en effet Microsoft Corporation et MIOL qui assument un tel risque -, paye, au titre de la commission, des impôts sur une activité déficitaire.

Le second exemple est celui de nos activités en ligne. Tout à l'heure, Jean-Marc Tassetto nous citait gentiment parmi les moteurs de recherche. Je dois lui avouer, je ne sais pas si cela lui fera plaisir, que nous n'avons dans ce secteur qu'entre 2 % et 3 % de parts de marché. Nous sommes bien petits à côté de l'acteur dominant ! Il est de notoriété publique que cette activité est déficitaire au niveau mondial. Elle nous permet cependant, du fait de notre statut d'agent commissionné, de payer des impôts en France. Le fait que Microsoft France ne prenne pas de risque nous permet finalement d'assurer un minimum de rentrées fiscales.

Pour parler tout à fait librement, je confirme que nous avons fait l'objet, depuis 1996, de contrôles fiscaux par l'administration française. Alors que toutes les administrations fiscales des différents pays européens ont validé le prix de transfert que nous avons mis en place, la mission française continue. Toutefois, la cour administrative d'appel de Versailles a validé, le 16 février dernier, notre méthode de calcul.

Cela étant, nous menons un dialogue ouvert avec l'administration fiscale française sur ce terrain-là, au point que celui-ci n'ignore plus rien de notre organisation, un peu comme Héloïse et Claire, les héroïnes de Jean-Jacques Rousseau, dont les coeurs étaient transparents l'une à l'autre ! Il n'y a plus de secret ni pour eux ni pour nous et nous entretenons un dialogue fondé sur une réalité de marché organisé, qui reflète l'importance que nous accordons à l'écosystème français, dans un cadre juridique et fiscal correspondant à l'organisation de l'entreprise en France, en Europe et dans le monde.

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