Le taux de suicide est mesuré : il n'a pas varié et a même tendance à diminuer. Pourtant, tout le monde est toujours persuadé qu'il augmente ! Les tentatives, elles, sont beaucoup plus difficiles à recenser. La Drees comptabilise les hospitalisations à la suite d'une tentative de suicide mais toutes les tentatives ne sont pas dénombrées.
Les relations entre le taux de suicide et les facteurs sociaux ont été très discutées, en particulier s'agissant du chômage et des difficultés économiques ; elles sont loin d'être évidentes. Ce qui m'étonne, c'est la croyance très répandue en France en une origine sociale du suicide, alors que les données scientifiques montrent que 90 % des suicidés souffraient d'une maladie mentale.
Je ne prétends pas qu'il n'y ait aucune relation entre les maladies mentales et les facteurs sociaux. Lors de ma précédente intervention devant la mission d'information, j'ai longuement expliqué que des liens existent mais que l'inférence causale est loin d'être évidente.
Le discours tenu est un problème pour la psychiatrie, parce qu'il équivaut à une forme de déni de la maladie mentale. Si les gens se suicident parce qu'ils vivent des difficultés, cela occulte le fait qu'ils souffrent, par exemple, d'un trouble bipolaire ou d'une schizophrénie, et que notre système de soins n'est peut-être pas aussi efficace qu'on le pense pour les suivre sur le long terme. On insiste trop, en France, sur les causes sociales du suicide, au risque de nier la présence de maladies mentales sévères.