Toute la difficulté est d'apprécier le poids pondéré des différents facteurs, étant entendu que le suicide résulte toujours d'une multiplicité de causes. Prétendre le réduire à une cause unique, c'est toujours s'égarer. Tous les schizophrènes ne se suicident pas, ni tous les malades déprimés... Or parmi les événements de vie qui peuvent jouer le rôle déclencheur figurent des facteurs d'anomie.
En ce qui concerne l'augmentation des tentatives de suicide à l'adolescence, je tiens à souligner le paradoxe devant lequel nos adolescents sont constamment placés : élevés dans la croyance religieuse que nous avons tous en partage, celle que leur corps leur appartient et que nul autre qu'eux n'a de droit sur lui, non plus que sur leur pensée, ils voient dans leur corps, quand ils ne vont pas bien, leur premier ennemi, parce que c'est par lui qu'ils souffrent. Frappant est ce paradoxe entre un discours social insistant sur l'autonomie et la tentation qu'a l'adolescent en souffrance de s'attaquer à son corps. Il y a donc bien un facteur social qui s'ajoute aux facteurs individuels. Opposer les deux dimensions serait réducteur et ne permettrait pas de tenir un raisonnement suffisamment souple pour saisir le problème.