Son titre court et incisif – La sécurité partout et pour tous – ne vient-il pas justifier par lui-même tous les outils budgétaires, juridiques et administratifs proposés ?
Qui de nous ne verrait pas avantage à une approche globale de la politique de sécurité, à une optimisation des forces de sécurité intérieure dans le cadre du rapprochement police-gendarmerie, à la modernisation des forces en intégrant pleinement les progrès technologiques, en rénovant, enfin, le management des ressources et des modes d’organisation ?
Assurément, la police de sécurité fait l’objet d’une approche globale.
Police et gendarmerie sont complémentaires. Il est déjà loin le temps des guerres intestines entre ces deux institutions ; ce qui en reste est le fait des hommes et des femmes qui les composent et non plus des institutions elles-mêmes.
Entre police de sécurité et communes, se pose le vrai problème de l’efficacité réelle des « coproductions » de sécurité. Au-delà des mots, il y a les faits, têtus, qui s’obstinent à montrer que, au-delà du dialogue et des conventions-cadres, les forces de sécurité ne partagent ni les mêmes objectifs ni les mêmes moyens, et encore moins les mêmes compétences !
S’agissant du transfert à des personnes morales de droit privé de missions jusque-là exercées exclusivement par la police nationale ou par la gendarmerie, une extrême vigilance est de mise. Nous avons tous en tête certains « détournements », notamment dans des services privés de sécurité des aéroports, qui ont nécessité des rappels à l’ordre.
Demain, la vidéoprotection devra elle-même être protégée contre des utilisations irrégulières, abusives, voire illégales. Le texte qui nous est proposé est-il sur ce point suffisamment protecteur ? Nous nous interrogeons encore.
En ce qui concerne le rapprochement, et non pas la fusion, de la police et de la gendarmerie, les complémentarités opérationnelles sur le terrain se traduisent trop souvent par une redéfinition de la couverture territoriale, avec un redécoupage et des redéploiements fondés essentiellement sur le culte du chiffre.
Loin de moi l’idée de méconnaître l’intérêt des statistiques et des objectifs chiffrés, mais je ne peux pas non plus ignorer superbement le contexte géographique, humain, social et environnemental, tellement important dans nos zones rurales !
Avec vous, monsieur le ministre, j’ai un temps soutenu que le rapprochement entre la police et la gendarmerie ne serait jamais une fusion. C’est un principe essentiel de notre démocratie auquel je veux croire. Pourtant, il me semble percevoir des signes qui subrepticement tendraient à montrer que le statut militaire de la gendarmerie encombre plus qu’il ne sert notre République, en particulier chez les non-officiers.
Dans le long chapitre consacré à l’intégration des progrès technologiques, seule la vidéoprotection fait l’objet d’une disposition spécifique. C’est dire combien les équipements indispensables à la modernisation des forces de sécurité intérieure – tenues protectrices, véhicules, technologies nouvelles au service des victimes – sont éloignés des préoccupations sécuritaires visibles !
La dernière priorité – mais non la moindre – retenue dans l’annexe est donnée au management des ressources et au mode d’organisation.
Monsieur le ministre, comment mettre en adéquation cette priorité, qui est essentielle – chacun en conviendra –, avec la réalité ? N’avons-nous pas vécu ces derniers jours une révolte – pour vous, peut-être seulement un mouvement de mauvaise humeur – des CRS de Marseille et de Lyon, qui ont refusé de voir dissoudre leur compagnie ? Avez-vous été sensible à la détresse de leurs épouses descendues dans la rue ou à celle de ces policiers refusant d’accepter une réorganisation imposée dans des secteurs sensibles ?
Tout prouve aujourd’hui – le mouvement des magistrats, celui des personnels des forces de sécurité – que le Gouvernement ne peut continuer de se jouer de ceux qui donnent un vrai sens à notre devise républicaine.