Intervention de Daniel Marcelli

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 15 février 2017 à 14h00
Audition conjointe de M. Daniel Marcelli professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et de Mme Viviane Kovess-masféty présidente de la commission spécialisée évaluation stratégie et prospective du haut conseil de la santé publique

Daniel Marcelli, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent :

Je suis si peu en désaccord avec Mme Kovess-Masféty que j'ai moi-même demandé, comme universitaire, qu'une autopsie psychologique soit réalisée à chaque suicide d'adolescent. Simplement, en tant que clinicien, j'ai pour devoir d'aider les gens qui souffrent et je dois tenir compte que, plus on intervient en amont, moins les symptômes sont spécifiques et plus il est difficile de cibler les actions.

Je suis gêné par l'idée que les adolescents chercheraient à se faire remarquer. Cette vision correspond à une stigmatisation et à une dénonciation. Toute tentative de suicide d'un adolescent est un appel à l'aide et une demande de changement. Un médecin doit lutter contre la stigmatisation dans le grand public, parmi les professionnels de santé et entre les adolescents eux-mêmes.

Pour ce qui est du rapport des adolescents à la mort, il est vrai que les idées de mort sont assez fréquentes à cette période de la vie mais on apprend aux jeunes médecins à les différencier des idées suicidaires, nettement moins fréquentes, des intentions suicidaires, encore moins fréquentes, et des projets suicidaires. Dans le cas d'un projet suicidaire, on a six jours pour réagir ; on a six semaines pour les intentions suicidaires, six mois pour les idées suicidaires. L'interrogation sur la mort fait partie de l'adolescence et de l'appropriation par le jeune de sa propre vie mais le clinicien doit être capable de différencier les phénomènes dont j'ai parlé.

S'agissant du suicide kamikaze, je vous indique que, comme président de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, j'ai mis l'accent sur la prévention de la radicalité à l'adolescence. J'ai écrit sur ce thème un ouvrage, Avoir la rage ; du besoin de créer à l'envie de détruire, dans lequel j'analyse le processus de haine destructrice dans lequel s'engagent certains adolescents quand ils ne sont pas en mesure d'exprimer une capacité créatrice et qu'ils sont touchés par des vulnérabilités individuelles, familiales ou sociales. Un adolescent qui ne peut pas se sentir reconnu peut avoir la rage : or cette rage peut être source de création mais aussi, à défaut, de destruction.

Cette dimension psychologique se superpose à une dimension sociologique, qui met en jeu internet et des facteurs religieux, politiques et économiques. Je ne réduis donc pas ces phénomènes aux aspects individuels mais je pense que les jeunes touchés ont de vrais problèmes. Je pense à la jeune fille de seize ans récemment arrêtée : elle présente probablement des traits hystériques, même s'il n'est pas politiquement correct d'employer ce mot ; ce n'est pas une maladie en soi mais, dans une période de vulnérabilité, de telles personnes, sensibles à la sujétion, peuvent être récupérées par un séducteur radical et devenir capables de se suicider.

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