L'INRA mène des exercices de prospective intitulés « Agrimondes » sur la thématique « Nourrir la planète ». Nous étudions notamment la question de l'utilisation des terres, une problématique qui concerne directement l'élevage.
Nous avons acquis la conviction qu'il sera possible de nourrir 9 milliards d'êtres humains à la condition de jouer sur plusieurs leviers simultanément. Du côté de l'offre, il faudra augmenter la production sans augmenter la superficie des terres utilisées, car elles devront être préservées pour des raisons environnementales afin de préserver la biodiversité et le stockage de carbone. Il faudra augmenter les rendements dans les zones où ils sont faibles et les maintenir là où ils sont élevés. Il faudra aussi agir sur la demande, et notamment réduire les gaspillages. 30 % de la nourriture est perdue dans le monde actuellement, à parts égales au Sud et au Nord : au Nord lors de la distribution et de la consommation, au Sud lors des récoltes et après les récoltes.
Mais le principal levier d'action à long terme reste l'éducation. Il ne faut sans doute pas généraliser le modèle de consommation occidental à l'ensemble de la planète. Il faut donc réduire la consommation de produits carnés là où elle est excessive. Il faudra à l'inverse l'augmenter là où elle est insuffisante. Rappelons en outre que les productions animales assurent de par le monde de nombreux services, font vivre beaucoup d'agriculteurs, sont une source d'engrais mais aussi de patrimoine pour les pauvres de la planète.
Les filières animales connaissent aujourd'hui des difficultés liées à trois facteurs : le prix élevé de l'alimentation - c'est le point essentiel -, car le prix élevé des céréales grève les coûts de production. Le deuxième est la question environnementale. Le troisième est la diminution de la consommation de viande rouge en France et en Europe. La viande rouge est considérée comme chère et la société y est moins favorable car une surconsommation de viande rouge est perçue comme dangereuse pour la santé. Du coup, la consommation a diminué de 5 à 10 kg équivalent carcasse par personne et par an en France depuis 20 ans même si nous restons les plus gros consommateurs de viande rouge en Europe avec les Irlandais. Sur les quinze dernières années, la viande blanche tend à remplacer la viande rouge car elle est moins chère et bénéficie d'une meilleure image. Le point positif est que la demande mondiale est malgré tout en augmentation.
Les niveaux de prix des céréales resteront élevés, peut-être avec une volatilité plus importante. Les équations d'équilibre entre l'offre et la demande au niveau mondial ne nous conduisent pas à envisager que les prix puissent s'effondrer même si des accidents sont toujours possibles. Les phénomènes lourds de croissance démographique et d'urbanisation font que l'on consomme plus de produits carnés. La réforme de la PAC devra prendre en compte ces différents enjeux pour l'élevage.