Intervention de Alain Milon

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 juin 2021 à 8h35
Institutions européennes — Deuxième partie de session de l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe apce du 19 au 23 avril 2021 : communication de m. alain milon premier vice-président de la délégation française à l'apce

Photo de Alain MilonAlain Milon, premier vice-président de la délégation française à l'APCE :

Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous remercie de m'avoir convié devant la commission des affaires européennes pour évoquer la deuxième partie de session de l'APCE au titre de l'année 2021, qui s'est déroulée du 19 au 22 avril dernier.

Il s'agissait d'une partie de session symboliquement importante, notamment lors des échanges avec Angela Merkel, la chancelière allemande, et David Sassoli, le Président du Parlement européen, mais aussi marquée par des tensions. J'y reviendrai.

Je vous rappelle en préambule que la délégation française à l'APCE est composée de 24 députés et de 12 sénateurs, répartis par moitié entre titulaires et suppléants.

Comme au mois de janvier, cette partie de session s'est déroulée de manière hybride, sur trois jours et demi au lieu de quatre jours et demi. Un peu plus de 100 parlementaires étaient présents à Strasbourg, soit plus qu'en janvier, même si l'absence de la délégation russe, connectée à distance, créait un vide important.

Trois de nos collègues se sont rendus à Strasbourg : Bernard Fournier, Claude Kern et André Gattolin. Ils pourront compléter ma perception de la session par leur appréciation de la situation au Palais de l'Europe. Avec André Vallini, nous avons pour notre part participé à distance.

D'un point de vue pratique, je veux souligner que les mesures draconiennes qui avaient été mises en place en janvier pour accéder au Palais de l'Europe avaient été reconduites, tout en améliorant l'accueil. Toutes les personnes devaient réaliser un test antigénique avant de pénétrer pour la première fois dans le bâtiment.

Cette session hybride s'est donc bien déroulée, semble-t-il. Les votes en commission passaient uniquement par l'application Kudo. Les votes en séance plénière étaient eux-mêmes hybrides : les parlementaires présents dans l'hémicycle pouvaient voter directement depuis leur place tandis que les parlementaires connectés votaient via l'application Kudo.

Comme en janvier, nous avons procédé à l'élection d'un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) au titre de la Belgique, en utilisant exclusivement une plateforme sécurisée. Nous aurions également dû désigner un juge au titre de la Pologne mais, lors de son examen par la commission sur l'élection des juges à la CEDH, la liste présentée par les autorités polonaises n'a pas été jugée conforme aux normes requises par l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. La Pologne devra donc présenter une nouvelle liste. Cela n'est pas anodin compte tenu des débats que nous tenons régulièrement sur l'indépendance de la justice dans ce pays.

La bonne tenue de cette session était symboliquement importante et constituait en tant que telle un message à l'attention du Président du Parlement européen, qui a échangé avec nous en se connectant depuis Bruxelles. Le Président de l'APCE a mis en avant les mesures prises pour permettre la tenue de sessions hybrides et notre collègue députée Nicole Trisse a très directement interpellé David Sassoli sur le retour du Parlement européen à Strasbourg.

On ne peut pas dire que David Sassoli ait manifesté un grand enthousiasme, même s'il a loué les qualités de la ville de Strasbourg et le symbole qu'elle représente. Il a surtout mis en avant les « problèmes objectifs » que représente « le transfert de plusieurs milliers de membres du personnel du Parlement et leur retour dans leur pays de résidence », la nécessité de préserver la santé des députés européens et du personnel du Parlement, ainsi que les conditions sanitaires de la région du Bas-Rhin et de la ville de Strasbourg - pourtant bien meilleures que celles de Bruxelles. Ce débat a eu le mérite de constituer une pression supplémentaire. Heureusement, nous sortons désormais de cette période et le Parlement européen va enfin retrouver son siège lors de la session de juin.

Cette session a permis à l'APCE d'échanger avec d'autres personnalités, en particulier avec la nouvelle présidente de la République de Moldavie, Maïa Sandu, qui a mis l'accent sur la lutte contre la corruption et l'indépendance de la justice, ainsi qu'avec la Chancelière Angela Merkel.

Cette séquence était évidemment forte, au moment où celle-ci s'apprête à quitter ses fonctions. Elle a rappelé que le Conseil de l'Europe avait été la première organisation internationale à accueillir à nouveau l'Allemagne dans la communauté des Nations, à l'issue de la Seconde guerre mondiale. Elle a souligné l'importance du respect des droits fondamentaux, qui sont le socle du projet démocratique européen, et regretté les restrictions ou les violations de ces droits observées dans un certain nombre d'États.

Angela Merkel a ensuite répondu à des questions parfois très directes, notamment sur le scandale de corruption ayant impliqué il y a quelques années des parlementaires allemands membres de l'APCE, ou encore le dossier Nord Stream 2, sur lequel votre commission a travaillé. Angela Merkel a défendu la position allemande et estimé qu'il fallait définir « jusqu'où nous voulons commercer avec la Russie, notamment dans le secteur de l'énergie ». Elle a également fait valoir que ce choix énergétique n'avait pas empêché l'Allemagne de soutenir les sanctions de l'Union européenne à l'égard de la Russie, notamment dans le cas Navalny et celui de la Crimée.

Ces restrictions et ces violations ont justement formé le coeur du débat de cette partie de session, au cours de laquelle trois sujets trouvant un fort écho dans l'actualité ont été abordés : l'affaire Navalny, la situation des Arméniens prisonniers de guerre et la situation politique en Turquie, à la suite notamment de son retrait annoncé de la Convention d'Istanbul, mais aussi des pressions observées sur la justice et les parlementaires.

J'évoquerai uniquement les deux premiers car une procédure de suivi de la Turquie est en cours. Je ne doute donc pas que nous y reviendrons lors des prochaines sessions.

S'agissant de l'affaire Navalny, je serai rapide car nous en avions déjà parlé la dernière fois. Mes collègues pourront compléter mes propos, d'autant qu'André Gattolin a pris une part active au débat à Strasbourg. Je voudrais néanmoins souligner l'importance que la Russie accorde aux travaux du Conseil de l'Europe en la matière.

Peu après la partie de session, notre collègue député Jacques Maire, qui est le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme sur l'arrestation et les conditions de détention d'Alexeï Navalny, a été déclaré persona non grata par les autorités russes, en même temps que le Président Sassoli ou la Commissaire Jourova.

Le Président de l'APCE a alors rappelé à l'ambassadeur de la Fédération de Russie auprès du Conseil de l'Europe les obligations des États membres, en particulier concernant la libre circulation des membres de l'Assemblée en vue d'activités liées à ses travaux. L'Ambassadeur a alors confirmé que la Fédération de Russie ne remettrait pas en cause ses engagements, mais cela témoigne bien de l'émotion que suscite ce dossier et de la volonté de la Russie de tester nos limites.

Un deuxième sujet a contribué à électriser les débats au cours de cette partie de session : la situation des Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes disparues. J'ai moi-même introduit le débat d'actualité sur ce sujet, juste avant que le Président Larcher ne se rende en Arménie avec les présidents des groupes. Cela a permis d'assurer une correspondance entre les messages portés par les sénateurs au sein de l'APCE et ceux portés par le Sénat. L'APCE y reviendra dans les mois qui viennent, puisqu'un rapport est en cours d'élaboration sur les conséquences humanitaires du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Cette partie de session a également permis à l'Assemblée de donner sa vision des priorités du Conseil de l'Europe et d'évoquer d'autres dossiers sensibles en matière de droits de l'Homme. Je veux en évoquer plus particulièrement un qui a depuis connu des rebondissements : celui de la Biélorussie. Notre collègue députée Alexandra Louis a présenté un rapport défendant la nécessité d'une enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme en Biélorussie. Le récent détournement de l'avion de Ryanair pour capturer un opposant ne fait que donner du crédit à cette demande.

Enfin, cette partie de session a donné lieu à plusieurs autres débats, notamment un débat d'actualité concernant les passeports ou certificats Covid et leur utilisation. C'est un sujet que nous ré-évoquerons au mois de juin. Nous avons également tenu des débats concernant les minorités nationales, l'imposition du numérique et les discriminations à l'encontre des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée.

Cette partie de session a aussi été marquée par une prise de responsabilité nouvelle de notre collègue Bernard Fournier qui a été élu premier vice-président de la commission de suivi. Notre collègue Claude Kern s'est également vu confier la présidence de la commission ad hoc chargée d'observer les élections législatives en Palestine ; celles-ci devaient avoir lieu le 22 mai dernier mais elles ont été reportées. Je laisse le soin à mes collègues membres de la délégation de compléter mon propos s'ils le souhaitent.

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